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le Kaléidoscope....
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26 décembre 2012

Pour une vraie séparation des banques d'affaires et des banques de dépôt....

La crise financière qui nous frappe depuis 2007 est l’aboutissement de quarante années de financiarisation qui ont laissé notre économie exsangue. Le seul levier pour recouvrer une émission de crédit capable de relancer notre appareil productif, de créer des emplois qualifiés en masse et de redresser les comptes sociaux, est une séparation stricte entre, d’une part, banques de dépôt et de crédit, et d’autre part, banques d’affaires et de marché.

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Dans son discours du Bourget, François Hollande s’est engagé à remettre la finance au service de l’économie, et non au service d’elle-même. Ses propositions concernant la création d’une banque publique d’investissement (« Je créerai une banque publique d’investissement. A travers ses fonds régionaux, je favoriserai le développement des PME, le soutien aux filières d’avenir et la conversion écologique et énergétique de l’industrie. Je permettrai aux régions, pivots de l’animation économique, de prendre des participations dans les entreprises stratégiques pour le développement local et la compétitivité de la France. Une partie des financements sera orientée vers l’économie sociale et solidaire. ») et sur la séparation des banques de dépôts et d’affaire ( « je veux mettre les banques au service de l’économie. Je séparerai les activités des banques qui sont utiles à l’investissement et à l’emploi, de leurs opérations spéculatives. J’interdirai aux banques françaises d’exercer dans les paradis fiscaux. Il sera mis fin aux produits financiers toxiques qui enrichissent les spéculateurs et menacent l’économie. Je supprimerai les stock-options, sauf pour les entreprises naissantes, et j’encadrerai les bonus. Je taxerai les bénéfices des banques en augmentant leur imposition de 15%. Je proposerai la création d’une taxe sur toutes les transactions financières ainsi que d’une agence publique européenne de notation. ») ont marqué les esprits. L’heure est maintenant à la transformation de l’essai.

Ce 19 décembre 2012, Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances a présenté le projet de réforme bancaire du gouvernement. Introduire une loi sur la séparation des banques et instaurer un système de crédit ne vise en aucun cas à une simple amélioration technique du système bancaire, mais plutôt à organiser la manière dont l'économie pourra assurer l'existence de l'humanité sur plusieurs générations à venir, afin que la richesse créée et constamment accrue puisse être transmise à ces générations. L'homme doit redevenir ainsi le centre et le but de l'économie.

« La loi en cours de discussion prévoit seulement de filialiser les activités les plus dangereuses. On sait hélas qu’une telle filialisation ne règle rien : en 2008, le premier assureur mondial, AIG (116.000 salariés et 110 milliards de chiffre d’affaires) a été coulé par sa micro-filiale de trading à Londres qui, malgré sa petite taille (0,3 % des effectifs de l’assureur), a accumulé suffisamment de risques pour faire chuter l’ensemble du groupe ! En quelques semaines, le gouvernement américain a du apporter plus de 180 milliards pour éviter l’effondrement de l’ensemble du secteur. La chute d’AIG montre de façon indiscutable que la filialisation n’est pas une solution efficace. »

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En effet et à mon sens la proposition de loi doit pouvoir aller plus en profondeur car de simples retouches aux règles inhérentes au secteur bancaire ne suffiront pas. Si cela n’était pas le cas, aucun des problèmes à résoudre ne trouveraient solutions durables. Il est urgent de lutter activement contre la crise de la dette actuelle, de refuser la création de nouvelles bulles par la spéculation de quelques uns avec notre argent mais également de réellement soutenir la création d’emploi en permettant un financement digne des PME. Nous ne pouvons plus décemment laisser encourir autant de risques aux petits « portemonnaies » afin de permettre   d’hypothétiques profits, rentes et spéculations à court terme de gros « portefeuilles ». La crise financière actuelle prouve que le système de la « banque universelle » ne peut et ne doit plus durer au risque de voir s’effondrer avec lui la vie des gens.

Pour mieux comprendre la nécessité d’une telle loi, il convient d’appréhender la situation à la fois dans le sens de l’Histoire et dans le sens d’un monde à l’économie globalisée.

C'est au XIXème siècle, que l'activité bancaire acquiert une véritable importance dans le système capitalisme. Le cœur de l'activité financière se concentrait alors à la city de Londres car le colonialisme anglais devenait de plus en plus gourmand de capitaux pour financer des projets dit d'intérêt public à l'échelle de la planète mais également des opérations financières en tant que telles (Chemin de fer transcontinental en Amérique, Mines de Cecil Rhodes en Afrique du Sud ou le commerce de l'opium entre l'Inde et la Chine). Face à la perspective des immenses profits qu’un tel système représente, les banques françaises décident de s'en inspirer. Si Londres attire à elle tous les capitaux du monde, grâce à son savoir-faire financier, à son empire étendu à l’échelle du monde et à son système de libre-échange, en France, la source des capitaux pour ces banquiers en quête d’empire est l’épargne des citoyens, accumulée après des années de dur labeur. 

Nées sous Napoléon III et le second empire, les banques françaises dites modernes, et ce jusqu’à une époque récente, furent partagées en trois groupes : la « haute banque » (qui ne recevait pas de dépôts du public et qui se cantonnait dans des opérations fructueuses d’émissions d’emprunts pour le compte du gouvernement), les banques d’affaires (dont les activités consistaient à investir leurs fonds dans le capital des sociétés en prenant des participations sur un long terme) et les banques de dépôts (qui s’assuraient de gérer les comptes et de distribuer les crédits à court terme des particuliers et des petites entreprises).

A la fin des 30 glorieuses, peu à peu la distinction de spécificités entre les deux derniers types de banques s’est estompée au profit de la notion de banque « universelle », c’est à dire des établissements qui pouvaient exercer toutes les opérations des domaines bancaire et financier. Le principe de base  (comme je vous l’ai décrié plus haut) est d’injecter les sommes provenant de l’économie réelle (l’épargne des plus petits) dans les activités spéculatives (pour le profit des plus grands). Il est à rappeler bien entendu qu’en cas de faibles fonds propres de la banque et d’une situation de crise, le retrait en masse de des fonds dits épargnants entrainerai la faillite de tous.

A la fin du XIXème siècle et au début du siècle suivant, les faillites retentissantes telles que celle de l’Union Générale en 1882 (largement décrite dans le roman d’Emile Zola, L’Argent) soulevèrent la question du risque de liquidité pour les établissements financiers. Dans sa doctrine du même nom, Henri Germain préconisa clairement la séparation des activités de dépôt de celles des banques d’affaires.

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Aux États-Unis, pendant les années qui précédèrent la Grande Crise de 1929, des empires industriels et financiers se sont constitués sous la férule des « barons voleurs ». Le Krach boursier d’octobre 1929 déclencha l'inquiétude chez les déposants et une spirale dangereuse s'amorça : Ne pouvant faire face aux demandes de retrait des déposants, les banques se retrouvèrent en situation de non liquidité, situation d'autant plus contagieuse que l'industrie bancaire était très morcelée, donc fragile : parce qu'ils craignirent la banqueroute, les déposants vidèrent leurs comptes, acculèrent les banques à la faillite et finirent par causer une réaction en chaîne proprement dévastatrice. Pour faire face à la situation la loi Glass-Steagall érigea, en juin 1933, la distinction entre les deux métiers bancaires. Promulgué le 16 juin 1933, le Glass-Steagall Act fut une des mesures phares des cent premiers jours de la présidence Franklin Roosevelt aux Etats-Unis. Avec l’appui des révélations de la Commission d’enquête du Sénat menée par le procureur Pecora, le président obtint le soutien populaire et parlementaire pour faire adopter la stricte séparation entre banques d’affaires et banques de dépôt (ainsi que les assurances). Les établissements financiers ne pouvaient dès lors plus spéculer avec l’argent des déposants et ne pouvaient obtenir de garanties de l’Etat que s’ils renonçaient aux activités sans lien avec l’économie réelle. C’est une séparation stricte qui a permis de réaliser le New Deal grâce à la réorientation totale du crédit vers l’investissement productif.

La séparation des fonctions bancaires a cessé en 1984 en France et en 1999 aux Etats-Unis et il ne semble pas que les établissements en question en pâtirent. De toute évidence, l’existence même de ce système sur d’aussi longues périodes,  prouve la faisabilité de cette solution.

La crise financière en cours (depuis 2007) remet avec pertinence sur le devant de la scène la question d'une séparation des fonctions bancaires. Cependant, en 2009, les sénateurs John McCain (républicain), Maria Cantwell (démocrate), et l’ancien gouverneur Paul Volcker avancèrent l’idée d’un retour à la loi Glass-Steagall par le biais d’une remise en vigueur du texte de loi originel. En Europe, un nombre grandissant d'experts appelle également à l'adoption d'une législation bancaire stricte inspirée du Glass-Steagall. Cette approche régulationniste est préconisée notamment par la Commission Vickers au Royaume-Uni, ainsi que le World Pensions Council (WPC) et le CJD en Europe Continentale afin d'éviter les conflits d'intérêts potentiels et les risques de contagion systémique en cas de crise.

Il est absolument nécessaire de remettre d’urgence en vigueur la loi Glass-Steagall en France, pas seulement comme une simple mesure de régulation, mais pour liquider le système spéculatif et réorienter l’économie vers la production physique et le financement des infrastructures.

Laurent Beaud

P.S. Signez l’Appel pour une vraie séparation des banques d'affaires et des banques de dépôt!

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