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le Kaléidoscope....
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7 mars 2013

Décentralisation Acte III: Si on peut gouverner de loin, on n'administre bien que de près...

Oyez, Oyez  France jacobine ! Oyez, oyez peuple montagnard ! La république doit rester souveraine et indivisible tout en admettant que la crise (les crises devrais-je dire) impose désormais une nouvelle forme de réflexion sur l’action publique et son organisation territoriale. Le gouvernement prépare l’ « acte 3 » de la décentralisation et de la réforme de l’action publique, qui  étend les compétences des collectivités. Les élus locaux détiennent et détiendront  plus que jamais les clés de la sortie de crise. Sauront-ils les utiliser ? Auront ils les moyens nécessaires pour pouvoir appliquer les politiques choisies ?

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A la suite des Etats généraux organisés à l’automne au Sénat, Marylise Lebranchu, la ministre à la Décentralisation, de la réforme de l’Etat et de la fonction publique, va présenté ce mois-ci devant le conseil des ministres un projet de loi tendant à élargir la décentralisation administrative, engagée en 1982 et accentuée en 2004. En dépit de ses dénégations, le gouvernement Ayrault s’apprête ainsi à poursuivre la politique du gouvernement précédent qui, par la loi du 16 décembre 2010, avait introduit une réforme des structures administratives locales. Au prétexte de mettre fin au « mille-feuilles administratif » déjà dénoncé par le comité Balladur, en 2008,  le gouvernement veut tendre à la rationalisation de l’action des différents niveaux de collectivités mais également à la réalisation d’un certains nombres d’économies d’échelles en terme de gestion.

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Un avant-projet de loi et un “document de travail” transmis, fin 2012, aux associations d’élus avaient confirmé l’idée-force du gouvernement : confier à la région la responsabilité des grandes politiques publiques, dont le pilotage ne leur serait cependant pas exclusivement dévolu. Dans chaque région, des conférences territoriales de l’action publique devraient clarifier et répartir l’exercice des compétences entre les collectivités, tandis qu’un Haut Conseil des territoires servirait d’instance de dialogue avec l’Etat.

La modernisation de l’action publique ne figure donc pas dans le texte, tandis que le « pacte financier » (dotation-fiscalité) entre l’Etat et les collectivités sera « négocié » dans le cadre du projet de loi de finances 2014. Ce nouvel acte de décentralisation a pour but selon la ministre Marylise Lebranchu « de retrouver un État fort et des collectivités fortes, avec une décentralisation aboutie au service des citoyens ».

Ce vent réformateur, qui entend balayer sans le dire des acquis fondamentaux de la Révolution française, souffle depuis quarante ans et converge avec les effluves nauséabonds des réalités économiques, sociales et écologiques. En effet, partagée entre héritage de la Révolution et ambition modernisatrice, l’organisation territoriale française est devenue incompréhensible pour l’ensemble des citoyens tant les compétences se chevauchent ou sont abstraites pour ceux-ci.

Dans un excellent dossier, le mensuel  Alternatives économiques résume la situation ainsi : « Pourquoi notre pays a-t-il tant de mal à stabiliser son organisation territoriale ? Depuis les années 1960, deux modèles s’affrontent et se superposent : le premier hérité de la révolution française, est organisé autour des 36 782 communes (dont 32 000 comptent moins de 2000 habitants…) et d’une centaine de départements. Face à ce diptyque, l’Etat cherche depuis plus de quarante ans à promouvoir deux autres échelons jugés plus adaptés aux évolutions de l’économie et de la mobilité : l’agglomération et la région. L’échelle urbaine correspond à une double préoccupation : favoriser le développement des pôles de croissance que sont les métropoles et mieux gérer des agglomérations qui débordent largement le cadre très émietté des communes. (…) Résultat : les deux modèles d’organisation coexistent pour former le fameux mille-feuille territorial français. D’où ce paradoxe : la France est un pays à la fois excessivement décentralisé – avec trois niveaux de collectivités élues, légitimes à intervenir dans tous les domaines d’action publique et jouissant d’une autonomie fiscale nettement plus élevée que la moyenne européenne – et relativement peu décentralisé quand on considère leur poids financier comparé à celui de l’Etat. »

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Sans parvenir à faire disparaître la clause de compétence générale d’intérêt local de la Commune ni à imposer de manière absolue le principe de spécialisation auquel il entendait soumettre les collectivités territoriales, par la loi du 16 décembre 2010, le législateur a confié à ces dernières le soin d’élaborer des « schémas d’organisation des compétences et de mutualisation des services », qui fixent notamment « les délégations de compétences de la région aux départements et des départements aux régions ». Par ailleurs, il a créé une nouvelle catégorie d’intercommunalité, la métropole, qui absorbera les compétences des départements en matière de transports scolaires, d’entretien des routes et de création de zones d’activité et à laquelle l’Etat pourra, par décret, déléguer la responsabilité de « grands équipements et infrastructures ». Enfin, les communes, les départements et les régions pourront gérer de concert, selon des modalités variables d’un endroit à l’autre, les politiques locales en matière de tourisme, de culture ou de sport. La loi du 16 décembre 2010 a multiplié en réalité les possibilités de conduire l’administration locale au point d’ouvrir la voie à un processus de balkanisation de celle-ci, dans le seul but de supprimer à terme le département et de substituer l’intercommunalité à la commune elle-même.   

Cette réforme est intervenue l’année même de la suppression de la Taxe Professionnelle à laquelle ont été substituées la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et la contribution économique territoriale. Cette mesure représente un transfert de six milliards d’euros au profit des entreprises. Au moment où les libertés locales sont prétendument étendues, les collectivités territoriales maîtrisent moins encore que par le passé leur fiscalité. Le gouvernement actuellement aux affaires entend enrichir le mécano institutionnel mis en place par le précédent et procéder à de nouveaux transferts de compétences. L’avant-projet de loi de décentralisation tend à renforcer globalement l’intercommunalité.

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Présentant ses vœux le 29 janvier 2013, la ministre de la Décentralisation a rappelé deux de ses priorités pour la future réforme : reconnaissance spécifique des grandes aires urbaines et modernisation globale de l’action publique locale. Marylise Lebranchu a évoqué quelques grands principes auxquels elle tient pour alimenter ce texte. Par exemple, «la reconnaissance de la diversité des territoires. La République n’a pas à se réfugier derrière une quelconque uniformité», a-t-elle asséné.

En transférant de nouvelles compétences économiques aux régions, l’Etat reconnaît que les territoires sont les mieux placés pour favoriser l’innovation. Pour qu’une telle réforme soit une véritable réussite dans un contexte économique compliqué, il sera nécessaire d’oser dégager des objectifs prioritaires clairs, efficaces et audacieux. 

En voici quatre qui sont selon moi primordiaux :

- Améliorer la qualité de vie, en particulier des personnes les plus en difficulté, car il y a recouvrement entre inégalités sociales et inégalités territoriales. Miser notamment sur le renforcement des services publics locaux ;

- Promouvoir des avancées en matière de démocratie active et de citoyenneté ;

- Faciliter un modèle de développement économique et d’aménagement du territoire basé sur la solidarité et la relocalisation de l’économie.

- Mettre en œuvre la planification écologique à cet effet.Promouvoirla dimension inter territoriale : Ce qui compte aujourd’hui, ce sont d’une part les relations solidaires et coopératives  entre le rural et l’urbain et d’autre part la gestion de grands réseaux d’usage au service du bien commun.

Dans le cadre d’une planification écologique et sociale nationale qui est du domaine de la loi, l’État central doit donc annoncer les grands programmes à impact territorial qui s’appliquent à tous les échelons territoriaux. Il s’agit en tout cas, de l’égalité territoriale et de la suppression des espaces d’exclusion et de relégation sociale, de la protection des espaces fragilisés par le réchauffement climatique, de la réduction de l’artificialisation des sols.L’État doit aussi donner l’exemple dans une telle réforme en garantissant l’égalité des territoires en matière de services publics, d’accès à des droits fondamentaux élargis (logement, santé, éducation, protection sociale…). Il s’agit également d’élargir les libertés, la parité et la capacité d’émancipation de chacun.

Dans cette perspective, il faut stopper le démantèlement des services déconcentrés de l’État et redéployer ceux restés en poste alors que les compétences ont été transférées. La  réorganisation qui découle de ce choix doit être menée en étroite liaison avec les personnels et les usagers, sans doute au plus près des services départementaux et régionaux. La réforme de l’État, ce n’est pas son dégraissage au profit du privé ou à la lumière de transferts de compétences mal gérés, c’est au contraire son renforcement et son adaptation à une société nouvelle.

La réforme territoriale convenable est celle qui favorise l’émancipation citoyenne, et notamment la participation aux décisions sur les projets et à la gestion effective des services publics. En particulier, il faut corriger le fait que l’intercommunalité où se prennent des décisions capitales pour la vie quotidienne est un échelon peu démocratique (même après désignation élective de conseillers communautaires) ;  on pourrait  sans doute créer des structures consultatives de l’intercommunalité, associant citoyens, élus et responsables associatifs ; ces structures seraient obligatoirement consultées avant chaque projet. Si les élus n’en tenaient pas compte, ils seraient obligés d’argumenter leur refus.

La lisibilité fiscale est aussi une source de démocratie : À tel niveau de responsabilités, tel niveau d’impôts. Elle doit s’accompagne de la généralisation des processus de budgets participatifs locaux.

Enfin, la crédibilité d’une réforme des institutions locales repose sur la présence de dispositifs de lutte contre le cumul des mandats y compris dans le temps, d’une séparation entre le législatif et l’exécutif, de la reconnaissance des droits de l’opposition, de la présence de dispositifs incitatifs au développement local comme des chartes élaborées collectivement entre élus, techniciens et habitants, et du renforcement du droit à l’expérimentation autre que législative et réglementaire.

En conclusion, un nouvel acte de décentralisation doit être bénéfique pour l’intérêt général mais uniquement sous conditions. A ce jour, de nombreux volets de cette réforme doivent être éclaircis notamment en ce qui concerne les prérogatives des collectivités, la répartition des rôles et la façon dont seront financés ceux-ci.

Laurent Beaud

PS : N’oublions pas la reconnaissance des langues régionales.

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François Hollande 03/2012  « La République indivisible, c’est celle qui est fière de sa langue : la langue française. Belle langue ! Langue de la diversité, langue de l’exception, langue de la culture. Langue qui s’offre aux autres. Et parce que nous ne craignons rien pour la langue française, nous ratifierons aussi la charte des langues régionales – parce que c’est aussi une demande qui nous est faite  (...) »

François Hollande
01/2012  « Je ferai ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. »


François Hollande
09/2011  « Je suis pour que les langues régionales soient reconnues et parlées. Si je suis président de la République, j’aurais à envisager avec le Parlement, une modification de la Constitution pour ratifier la charte des langues régionales. (...) En rappelant, néanmoins, que la seule langue officielle est le français.
 »


François Hollande 09/2011 « [Je promets] d’engager une discussion au Parlement. Non pas pour que la langue française soit affaiblie – il est important que nous ayons tous la même langue – mais pour que les langues régionales soient protégées.
 »


François Hollande 08/2011 « Jusqu’où aller dans la diversité culturelle ? Quelle place pour les langues régionales ? (...) Là, nous devons apporter des réponses adaptées, mais claires »

 

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Commentaires
D
Belle façon d'aborder ce chapitre, un exposé intéressant, d'autant plus pour les profanes dans le domaine!<br /> <br /> <br /> <br /> avec toute ma sympatie,<br /> <br /> thierry
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