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le Kaléidoscope....
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16 avril 2014

Habitat participatif : Habiter ! Coopérer !

La crise du logement frappe toujours aussi durement les françaises et les français. Plus que l’expression de phénomènes isolés, tels que la pénurie de logements disponibles, le repli de la production de nouveaux parcs immobiliers, la baisse du pouvoir d’achat ou la hausse importante des prix de vente et de location, c’est bien la perte des notions de vivre-ensemble et d’espace collectif qui doit préoccuper les pouvoirs publics. S’opposant à cet état de fait et d’esprit, de nombreuses expérimentations citoyennes émergent et proposent de nouveaux modes d’habitat, qui sont autant d’alternatives prometteuses aux pratiques classiques de production de logements.

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Regroupées autour du terme fédérateur d’habitat participatif, ces démarches innovantes prônent toutes la réappropriation citoyenne de l’habitat. Alors que les citoyen-ne-s sont d’ordinaire de simples usagers de leurs conditions d’habitat, ils deviennent au travers de ce concept, des acteur-trice-s de leur logement, en coproduisant et gérant leur cadre de vie. L’habitat participatif introduit ainsi une rupture conséquente et marque le passage d’un modèle subi à un modèle choisi du logement.

Concrètement, l’habitat participatif peut se décrire comme un regroupement de ménages mutualisant leurs ressources pour concevoir, réaliser et financer ensemble leur propre logement, au sein d’un bâtiment collectif. Ces projets se caractérisent par le respect de valeurs essentielles comme la non-spéculation, la solidarité, la mixité sociale, l’habitat sain et écologique et la mutualisation d’espaces et de ressources.

Les « coopératives de l’habitant » s’inscrivent dans une perspective de progrès écologique et social de la société. Choix de matériaux sains, réduction des déchets, économies d’énergies, éco-responsabilité des habitants : tout est pensé pour faire de la performance écologique une priorité.

Ce mode de construction et de gestion de l’habitat comporte de multiples avantages. Il favorise l’accession sociale à la propriété tout en luttant contre « l’étalement urbain ». La mutualisation d’espaces, comme la buanderie ou un jardin, a pour avantage de faire baisser les coûts et d’obtenir des surfaces habitables plus conséquentes.

Dans sa perception, l’habitation n’est alors plus considérée comme une simple marchandise. Elle sort de la logique spéculative pour favoriser d’autres finalités : mixité sociale, relations intergénérationnelles, redynamisation des quartiers. L’habitat participatif permet de trouver des solutions aux problèmes du quotidien, comme le prêt de matériel ou de voiture, ou des arrangements pour la garde d’enfants par exemple.

Projet social, il est aussi et surtout économique : la réduction des coûts par la suppression des intermédiaires, la diminution des charges par l’échange services ou la baisse du coût global pour rendre abordable la démarche aux ménages les plus modestes. Au travers de la mise en place de clauses spécifiques coopératives, ces projets permettent de limiter l’inflation immobilière et de devenir des outils innovants de modération des prix du marché.

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Alors, s’agit t’il d’utopies ? Non car cela a déjà existé en France et existe chez beaucoup de nos voisins européens.

Par exemple, l’habitat participatif représente en Suisse 8% du parc immobilier, 15% en Norvège (650 000 habitants) et même 40% à Oslo.

En France, les coopératives d’habitation puisent leurs origines dans les mouvements syndicalistes ouvriers du milieu du 19ème siècle (sous Napoléon III). Les syndicats de l’époque fondèrent les premières coopératives, d’abord de consommation, puis d’habitation.

Les objectifs étaient d’aider les ouvriers à échapper au propriétaire « Monsieur Vautour », qui réclamait tous les mois un loyer exorbitant pour un logement très souvent insalubre. Les promoteurs du logement coopératif ouvrier voyaient dans cette formule d’accession à la propriété, la possibilité pour les familles modestes de sécuriser leur situation face à une économie capitaliste incertaine.

 « La forme coopérative se voit reconnaître des valeurs républicaines : elle serait une école de la tolérance et du dialogue ainsi que du partage. L’association de la coopération et de la petite propriété doit favoriser l’éducation des masses et l’enracinement de l’idée républicaine. » Pour ses vertus fédératrices, désintéressées et sociales, la « coopération d’habitation » est vivement encouragée par la Troisième République : ainsi, la « Fonçière de Reims » en 1870 et le « Coin du Feu » à Saint Denis ou encore le « Cottage d’Athis-Mons » en 1894, figurent parmi les pionniers de la coopération pour le logement populaire.

L’auto-construction est quant à elle, une pratique née après la première guerre mondiale sous l’impulsion de Georgia Knapp. En 1921, l’ingénieur avait fait le constat qu’une partie de la population ne disposait pas de revenus suffisants pour se loger, même dans les logements les moins chers. Il mit au point un nouveau procédé de construction plus simple (le béton banché) et une formule originale pour accéder à la propriété, dans laquelle l’apport financier initial de l’accédant était partiellement remplacé par un apport en temps de travail sur le chantier (les dimanches et jours de congé).

Plus tard, le mouvement des Castors apparut lors de la grande crise du logement de 1939-1945 par l’initiative privée et populaire, il s’est traduit en pratique par le regroupement de quelques familles pauvres qui n’avaient pas d’autre possibilité pour trouver un logement décent que d’en assurer elles-mêmes la construction. Ces premiers auto-constructeurs furent surnommés les castors car pour pallier la faiblesse de leurs revenus ils s’impliquèrent personnellement dans les travaux de construction via une organisation commune du travail et une mutualisation des moyens. Le principe de l’auto-construction des « Castors » a été crée dans un contexte d’urgence, et les sociétés coopératives perdirent peu à peu leur ardeur militante. Le mouvement déclinât fortement en 1955 avec le lancement du programme des « grands ensembles ».

Dans les années 1960 et 1970, les mouvements virent se perdre l’esprit coopératif qui les animait et ne restât qu’un moyen d’accéder aux financements HLM. La loi du 16 juillet 1971, dite loi « Chalandon », supprimât purement et simplement la formule de la location-coopérative, sans aucune concertation avec le mouvement HLM. Le motif invoqué s’est inscrit dans le champ global de la protection des acquéreurs particuliers car les locataires-coopérateurs d’un programme étaient solidaires de l’ensemble des coopérateurs de la même société, ce qui leur faisait courir le risque d’avoir à supporter les déficits d’un ou plusieurs autres programmes. Cet engagement personnel du coopérateur sur ses biens propres en tant qu'actionnaire de la coopérative a engendré des situations dramatiques suite à la défaillance de quelques coopératives mal gérées, notamment certaines coopératives non-HLM.

Ainsi, l’esprit coopératif disparaît au profit de la propriété individuelle. La loi de 1971 a dessiné un nouveau mode de fonctionnement de la coopération d’habitation, en distinguant la production de logement, de sa « consommation » et de sa gestion. Les quelques coopératives qui se sont lancées dans le combat de la location-attribution ont échoué et les organismes HLM qui ont souhaité poursuivre une activité sous la forme coopérative n’ont pu que se plier aux nouvelles règles du jeu et se transformer en SCP. Ce statut a limité considérablement le champ d’intervention des coopératives d’HLM en les réduisant à des prestataires de services qui n’exercent dés lors qu’une seule activité : l’accession à la propriété au moyen des SCCC.

Aujourd’hui, il est à nous de faire renaître le modèle de la coopérative d'habitation en France en s'inspirant des premiers mouvements historiques, et de la réflexion ébauchée par le rapport « Mercadal ». Les montages élaborés devront s'approcher de la formule de la location-coopérative puisque les coopérateurs seront à la fois locataires de leur logement et propriétaires collectivement car possédant des parts sociales de la coopérative qui détient l'immeuble. 

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Dans le clapas, c’est dans le quartier des « grisettes » que la coopération reprends vie. Celles et ceux qui font la démarche d’« aliéner » leur propriété à une coopérative aspirent généralement à construire leur projet de manière collective. Ils se constituent à partir de groupes d’affinités pour concevoir l’architecture, organiser la gestion et la vie plus ou moins collective du lieu. 

Alors Oui, EcoHabitons ! CoopHabitons !

Laurent Beaud

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