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le Kaléidoscope....
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23 avril 2014

Adopter la Slow Attitude...

L’une des questions qui revient régulièrement en ces temps de crises récurrentes est de savoir comment retrouver la croissance salvatrice de l’économie de marché et de nos sociétés contemporaines. Mais les relations de causes à effets semblent désormais plus troubles que jamais entre un système économique devenu le seul et l’unique sur la planète : le capitalisme et les règles de dogme qui l’organisent.

Le graal de la concurrence pure et parfaite à l’échelle des états n’est-il pas dépassé ? La compétition internationale peut elle permettre le retour durable de la croissance pour toutes les populations ? Les frontières du siècle dernier n’ont-elles pas voler en éclats avec l’avènement de l’ultralibéralisme et de la mondialisation ! L’analyse des situations de conflits, de crises et de compétitivités, ne nous amène t’elle pas à constater de façon crue que lorsque certains « trinquent » au quotidien, d’autres « trinquent » aussi, mais autour de verres de champagne ! Si, Si ! En temps de crises (et elles s’enchainent les unes après les autres depuis de nombreuses années) il y a souvent des perdants mais aussi naturellement des vainqueurs ; Lorsque les pauvres deviennent de plus en plus pauvres et que les riches deviennent de plus en plus riches dans un même laps de temps, les injustices différentielles prédisposent et préparent les révoltes et les révolutions. Le souci est que selon nos élites, il n’existerait pas pour l’heure d’alternatives au système ou à la méandre vindicative populaire. Se tourner vers les modèles du passé est impossible tant ils ont démontré leurs limites, des limites qui les ont mené vers l’échec et la fin. Alors comment échapper au chaos ? Comment construire de nouveaux modèles économiques et sociaux pour s’en prémunir? Est-il possible de concevoir, de réfléchir des transformations profondes du modèle unique sans croissance ?

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Il y a 10 jours sur France Info, Serge Haroche, prix Nobel de physique, déclarait « Le graal de tout les hommes politiques, c’est la croissance, la croissance, la croissance. Mais la croissance obéit à une loi terrible qui est la loi exponentielle. Une croissance de 3% par an, qui est le rêve de nos dirigeants, si elle est soutenue pendant 25 ans, produirait un doublement de nos dépenses économiques. Et la terre serait finie, nos ressources seraient finies. ».

Alors! Consommer Moins ! Consommer Mieux !

Dans son dernier numéro (N°266, avril 2014) de « consommation et modes de vie », le CREDOC tente d’anticiper, d’imaginer la sortie de crise sous l’angle de la « décroissance », d’une consommation mesurée et calculée et d’une autre organisation des temps.

« La crise économique actuelle se distingue par une durée inégalée, de 2008 à 2013, la succession de deux récessions et un fort impact sur le pouvoir d’achat. Le sentiment d’une crise qui va durer longtemps est au plus haut. En raison des mesures d’austérité mises en place dès 2011, notamment avec une hausse des impôts jamais observée dans le passé, les consommateurs sont de plus en plus mis à contribution. Le pouvoir d’achat par ménage a diminué de 1,9 % en 2012, ce qui ne s’était jamais produit depuis le début des années quatre-vingt. La récession affecte le moral des Français qui a atteint son niveau le plus bas en mai et juin 2013.

Dans ce contexte, le choix d’une moindre consommation et du « consommer mieux » se diffuse. N’est-on pas au début d’une nouvelle phase, celle de la frugalité, née à la fois de la mise en place d’une norme sociale écologique et d’un ralentissement durable du pouvoir d’achat ? Si la crise conduit au report d’achats de biens durables, les questions relatives au bien-être, au bonheur et à la mise en place d’une slow economy émergent. Cela se traduit, pour une partie croissante de consommateurs, par le choix d’une frugalité volontaire. Après le bien-être matériel, l’argent, la réussite sociale et la sécurité physique, d’autres préoccupations prennent ainsi de l’importance : le temps libre, la réalisation de soi et plus généralement le sens de la vie. »

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Les études du CREDOC atteste que prés d’un consommateur sur deux a déjà adopté des comportements dits de « frugalité contrainte ». L’analyse répartit ces consommateurs en trois catégories : les « stratèges » qui multiplient les astuces pour trouver de bonnes affaires et qui achètent des produits d’occasion, sur internet et des produits « premiers prix », les « contraints » victimes de la crise qui réduisent certaines dépenses de base, cherchent les Low & Hard Prices, et les « économes » qui comparent les prix et attendent les soldes et autres promotions. Au delà de ces comportements dits frugaux, la difficulté réside dans l’individualisme qui est le suc de l’économie de marché. Convertir la totalité d’un corpus à des comportements collectifs raisonnés est irrationnel dans un monde qui laisse possibilité de gagner toujours plus, d’obtenir toujours plus, de consommer toujours plus.

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Mettre en place une Slow economy, Adhérer à la Slow attitude dans nos comportements est selon moi une piste à creuser. En toute conscience des enjeux, il est indispensable d’envisager de sortir de ce « toujours plus » que nous impose le libéralisme, en adoptant de nouveaux comportements sans pour autant accepter l’austérité grossière que nous promettent bien de nos dirigeants. Cette austérité là, celle des économies à courte vue notamment dans les dépenses publiques, ne vise pas ou peu à la répartition, à la recherche de l’équité ou à la réduction des inégalités. Cette austérité se refuse à travailler en profondeur la solidarité et le partage car elle prend bien garde de réformer à minima la fiscalité et la redistribution. Dans Fiscalité, une autre façon de voir les choses, j’avais déjà mis en évidence la problématique fiscale en fonction de la perception  de la place que chacun a, vis-à-vis de lui-même et d’autrui dans la société dans laquelle il vit. Il s’agissait d’entrevoir l’affirmation de la solidarité qu’une société doit avoir : « La contribution fiscale de chacun doit être reconsidérée comme un bénéfice pour tous. ».

« Le  XXème siècle avait entrevu les limites du Taylorisme et du Fordisme. Certains ont poussé vers l’amélioration des conditions sociales du travail mais dans la plupart du temps vers des buts d’augmentation de la productivité. Le progrès social a permis aux travailleurs l’accès à de multiples avancées, telles que la réduction du temps de travail, les congés payés ou la création de systèmes de protection sociale mais sans véritablement remettre en cause le capitalisme. » Précédemment, le blog avait mis en avant d’autres façons de percevoir le partage des richesses et du travail au XXIème siècle, exposant des répartitions différentes proposées aux travers de la semaine de 4 jours de Pierre Larrouturou et/ou de la création d’un « revenu de base ». Ces réflexions partagées permettaient de prévoir le partage et la solidarité par une intervention de nos exécutifs, d’envisager d’autres options de progrès social malgré les perspectives de croissance « Zéro » et de refuser l’attente hypothétique du retour de celle-ci.

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Impossible de réfléchir sur des transformations de nos modes de vie et de nos modèles économiques sans entendre les travaux de la sociologue Dominique Méda. L’auteur de Réinventer le travail, mène depuis longtemps une réflexion sur notre obsession pour la production. Cette obsession non seulement altère notre relation au travail, mais génère des dégâts sociaux et environnementaux. Dans La Mystique de la croissance, elle propose un retour historique sur notre mode de développement, où les « trente glorieuses » ne furent pas si radieuses, ainsi qu’une méthode au service d’une autre voie. Dans un article paru dans Le Monde du 13 septembre 2013,  elle affirme : « On peut bien sur remonter plus loin dans le temps (les 30 glorieuses), mais c’est une étape importante. C’est le moment où l’on invente le produit intérieur brut (PIB), notre indicateur fétiche, et où explosent en parallèle les taux de croissance et ceux des émissions de serre. Néanmoins, à l’époque, la prise de conscience que la croissance n’amène pas seulement des bienfaits mais aussi des maux est forte. En 1972, Edmond Maire, secrétaire général de la CFDT, parle de course à la catastrophe et finit par dire que les fameux 5% de croissance annuelle « n’ont aucun sens profond ». Cinq ans plus tard, c’est la publication sous l’égide de la CFDT, de l’ouvrage Les Dégâts du progrès. A la même époque, le président de la commission européenne, Sicco Mansholt, voit dans la crise pétrolière un « heureux avertissement » car dit-il « il était évident que les sociétés industrielles ne pouvaient poursuivre leur croissance au rythme actuel ». Tout est dit. Pourquoi cette critique est-elle passée à la trappe ? Il est évident que les difficultés économiques et surtout la forte montée du chômage consécutives à la crise pétrolière l’ont stoppée net. La porte s’est refermée. ».

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Bertrand de Jouvenel a écrit, a juste titre, qu’avec la course à la productivité, « ce que l’homme gagne comme consommateur, il le perd comme producteur ». Pour cette raison, il est très important de prendre en considération la proposition de l’économiste Jean Gadrey de ralentir les gains de productivité dans certains secteurs et d’y substituer la recherche de gains de qualité et de durabilité. La recherche d’un autre régime de croissance - ou d’un autre mode de développement « au-delà de la croissance »- pourrait donc conduire à la fois à créer des emplois et à changer le travail. Ce discours, je l‘ai tenu à l’occasion des élections municipales à Montpellier, il convient de le maintenir à des échelles nationales.

Alors oui! il faut adopter la Slow attitude...

Penser que la croissance va revenir, évite de mettre sur la table toute une série de problèmes. Nous devons mettre au cœur des débats la question de savoir ce que nous ferions si elle ne revenait pas. Cela implique de remettre en discussion le concept de progrès. Dans Travail (une révolution à venir), ma sociologue préférée, Dominique Méda, éclaircît l’obscurité de nos pensées en la matière : «  Je crois que les gens sont beaucoup plus prêts à remettre en cause la place prise par le travail dans leur vie pour voir augmenté leur temps privé (souci de soi, de son entourage familial, de ses amis) que pour accroître leur participation aux activités publiques. Très peu de gens me suivent sur ce terrain lorsque je réclame un surcroît de participation. Les gens ne le souhaitent pas, me répond-on. Ils n’ont pas envie de contraintes supplémentaires. (…) Je me demande en effet si la véritable méthode de changement social aujourd’hui ne doit pas commencer par la politique. Je m’explique : notre croyance dans l’importance déterminante du travail et de la sphère productive s’accompagne chez beaucoup de nos réformateurs sociaux de l’idée selon laquelle le changement ne pourrait venir de l’intérieur de cette sphère. Autrement dit, ce qui importerait, ce serait de changer le travail ou les rapports de production à l’intérieur de l’entreprise… et un changement des rapports de force politique en découleraient automatiquement. ». 

La Slow attitude, c’est donc certainement de s’engager dans ses actes au quotidien. Alors que beaucoup d’entre nous n’éprouvent pas de difficultés financières (et même si cela les touchait en partie!), il faut choisir d’acheter des produits locaux, de faire la cuisine et de recycler les produits usagés.

Cela s’exprime aussi par la recherche de naturalité observée dans la consommation alimentaire. L’offre évolue dans ce sens avec des mentions « sans sucre ajouté », ou « sans colorant », avec le « bio » ou avec la présence affirmée des circuits courts et de l’économie sociale et solidaire. De plus en plus de consommateurs s’identifient à des valeurs de simplicité et de durabilité. La mobilité douce gagne du terrain :37 % des Français déclarent utiliser moins souvent leur voiture que six mois auparavant au profit des transports en commun et de la marche à pied . Cette mouvance choisie pourrait se développer par une conception différente de la consommation émerge si l’on en croit les associations de consommateurs. Les consommateurs engagés doivent croire davantage en l’usage du produit qu’en sa possession en participant activement à la seconde vie des objets : troc, achat d’occasion, location, emprunt de produits… les SEL (systèmes d’échanges locaux) sont une bonne solution.

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Portés par les familles et les classes moyennes, les consommateurs engagés  doivent s’affranchir des circuits traditionnels et doivent être plus préoccupés par le respect de l’environnement. Ils seront ainsi la représentation de la nouvelle conception du bien-être axée sur le partage, le lien social et le développement durable. Plus que des invectives, il s’agit d’une autre façon de vivre. 

Après la Slow Food, après le développement du concept de la Slow city où le terme « conscience du temps » a remplacé « vivre à toute allure », il est venu le temps de la Slow attitude, de la Slow economy, ou celui du temps indispensable à la réflexion et à la délibération. Chacun a son mot à dire pour améliorer la société dans laquelle il souhaite vivre ; connaître les avis de chacun requiert un temps considérable, mais il est indispensable de présager un temps pour chaque chose. La démocratie comme l’éducation a besoin de ces temps plus lents, l’économie doit sortir du pragmatisme permanent et déprimant. Elle doit présager l’essence positive des modèles sociaux et économiques nouveaux.

Laurent beaud

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