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le Kaléidoscope....
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30 avril 2014

1er mai: Qui s'y frotte, s'y Piketty!

« La loi qui maintient constamment l'équilibre entre la surpopulation relative, ou l'armée industrielle de réserve, et l'ampleur et l'énergie de l'accumulation, rive beaucoup plus fermement le travailleur au capital que les coins d'Héphaïstos ne clouèrent jamais Prométhée à son rocher. Elle implique une accumulation de misère proportionnelle à l'accumulation du capital. L'accumulation de richesse à un pôle signifie donc en même temps à l'autre pôle une accumulation de misère, de torture à la tâche, d'esclavage, d'ignorance, de brutalité et de dégradation morale pour la classe dont le produit propre est, d'emblée, capital. ». Dans Le Capital, publié en 1867, c’est ainsi que Karl Marx analyse le côté obscur du capitalisme et tente de présager ses effets néfastes, qui se traduiront par la suite par le fléau du chômage que nous connaissons aujourd’hui.

marx

A l’heure où des millions de précaires, de chômeurs, de travailleur-se-s s’apprêtent à défiler à nouveau pour les traditionnels défilés du « 1er mai », ces mots revêtent encore plus de sens. Le XXIème siècle naissant ne connaît que l’unique modèle économique capitaliste et le constat est troublant : l’essentiel du capital se retrouve entre les mains d’une infime minorité, les riches deviennent de plus en plus riche, les pauvres de plus en plus pauvre ; Bref le capital s‘accumule autant que la misère humaine et le chômage ne cessent de progresser. Bref, tel un gâteau qui devient de plus en plus gros pour le maitre capitaliste à l’appétit insatiable, il n’en restera que des miettes pour la multitude de travailleur-se-s aliéné-e-s par un système économique avare d’équité et de redistribution.

Dans la France de 2014, s’il en est bien un qui a retenu l’analyse de Karl Marx, ce n’est pas celui dont on penserait à prime abord. Pierre Gattaz, l’homme de la caste (Et oui les chats ne font pas des chiens et il faut savoir remercier Papa parfois !), le patron des patrons, le président du MEDEF, a bien appris, et a compris naturellement l’intérêt économique d’avoir une « armée industrielle de réserve » conséquente.

Selon Marx, les capitalistes achètent de la « force de travail » contre un salaire de subsistance (qui assure juste la survie des ouvriers, c’est à dire l’entretien et la reproduction des forces de travail), mais ils opèrent surtout un prélèvement sur la valeur crée par le travail de ces ouvriers. En effet, la force de travail peut fournir davantage de travail qu’elle n’en coûte. La différence entre la quantité de travail fournie par les travailleurs et la quantité de travail juste nécessaire au paiement de leurs salaires revient au capitaliste. Elle résulte donc de la propriété privée des moyens de production et de l’exploitation des salariés. En sus, Karl Marx avait expliqué à de nombreuses reprises que  «La grande industrie nécessite en permanence une armée de réserve de chômeurs pour les périodes de surproduction. Le but principal de la bourgeoisie par rapport à l'ouvrier est, bien sûr, d'obtenir le travail en tant que matière première au plus bas coût possible, ce qui n'est possible que lorsque la fourniture de ce produit est la plus grande possible en comparaison de la demande, c'est-à-dire quand la surpopulation est la plus grande. ».

En plus clair et pour ramener tout cela à notre société contemporaine, le chômage de masse est une aubaine pour le petit nombre qui possède l’essentiel du capita,l et les crises sont bien souvent des prétextes pour préserver des intérêts particuliers qui ne connaissent aucune limite. Car en effet, avoir un grand nombre de chômeurs disponibles, souvent prêt à travailler aux plus offrants, permet de maintenir des salaires bas, permet de faire régner une forme de terreur chez les salariés: « si tu n’es pas content, saches que nombreux et nombreuses sont celles et ceux qui rêvent de prendre, d’avoir ta place ! ». Identiquement, la mondialisation de nos systèmes de production permet désormais de procéder à un chantage à la délocalisation d’autant plus vil qu’il dresse les peuples du travail les uns contre les autres et ressort les idéologies les plus nauséabondes sous couvert de compétitivité.

Alors oui, celui qui a bien retenu les leçons de Marx est à mon sens Pierre Gattaz. Il les a si bien retenu qu’il souhaite les appliquer à la lettre en la faveur d'un capitalisme moderne unique, qui persiste dans la durée et qui fasse prospérer plus encore les dominants, les possédants. Pour rappel, notre cher Monsieur Gattaz a remporté, en 2013, la primaire interne à l’Union des Industries et Métiers de la Métallurgie, et fut désigné par ses pairs pour être candidat à la présidence du MEDEF. Parmi ses thèmes de campagne, figurait notamment l’idée de réduire de 5% par an les codes du travail et des impôts. Lors de sa première déclaration de président, Pierre Gattaz avait demandé une baisse de 100 milliards d’euros d’impôts et de charges « pesant » sur les entreprises. Dernièrement, il est allé jusqu’à réclamer la création d’un SMIC intermédiaire pour les jeunes. Doit-on céder à ce genre de chantages ? Et pourquoi baisser les salaires « minimum » des jeunes ? Outre la discrimination inacceptable  par l’âge que cette baisse introduirait, les jeunes ne sont ils pas plus productifs s’ils sont mieux formés, s’ils sont mieux rémunérés !

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 En cette veille de 1er mai, il me semble important que les forces de progrès retrouvent le sens commun des valeurs et des symboles. L’églantine rouge doit retrouver place à nos boutonnières et les combats à venir doivent réaffirmer une unité sur le fond, sur les combats à mener. Au lendemain du vote controversé du plan d’économies proposé par l’exécutif et à moins d’un mois des élections européennes, il n’est pas vraiment concevable d’abandonner nos idéaux sur l’autel de l’austérité et de la crise économique. En cette veille de revendications, un devoir de mémoire se voit obligé. Que représente cette « fête du travail » pour la gauche ? pour les précaires ? pour les travailleurs?

«Le jour viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez aujourd'hui»

Le 1er mai 1886, aux États-Unis,  200.000 travailleurs obtiennent la journée de huit heures grâce à une forte pression des syndicats. Un affrontement avec la police cause la mort de plusieurs personnes. Sur une stèle du cimetière de Waldheim, à Chicago, sont inscrites les dernières paroles de l'un des condamnés, Augustin Spies : «Le jour viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez aujourd'hui»

Trois ans après le drame de Chicago, la IIème Internationale Socialiste réunit à Paris son deuxième congrès. Celui-ci se tient au 42, rue Rochechouart, salle des Fantaisies parisiennes, pendant l'Exposition universelle qui commémore le centenaire de la Révolution française. Les congressistes se donnent pour objectif la journée de huit heures (soit 48 heures hebdomadaires, le dimanche seul étant chômé), sachant que jusque-là, il était habituel de travailler dix ou douze heures par jour (en 1848, en France, un décret réduisant à 10heures la journée de travail n'a pas résisté plus de quelques mois à la pression patronale).

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Dès l'année suivante, le 1er mai 1890, des ouvriers font grève et défilent, un triangle rouge à la boutonnière pour symboliser le partage de la journée en trois (travail, sommeil, loisir). A partir de cette date, les manifestants du 1er mai ont pris l'habitude de défiler en portant à la boutonnière le fameux triangle. Celui-ci est quelques années plus tard remplacé par la fleur d'églantine. En 1907, à Paris, le muguet, symbole du printemps en Île-de-France, remplace cette dernière. Le brin de muguet est porté à la boutonnière avec un ruban rouge. Le 23 avril 1919, le Sénat français ratifie la journée de huit heures et fait du 1er mai suivant, à titre exceptionnel, une journée chômée.

Le sens de l’Histoire et les luttes pour le progrès social, ont ensuite amené la semaine de travail à 39heures pour 5 jours sans que la productivité soit impactée. Les progrès techniques et l’éducation des classes populaires et moyennes ont permis un développement presque exponentiel de notre économie. Aujourd’hui, la croissance absente et la crise lancinante doivent faire réfléchir à une véritable répartition des richesses et au partage du temps de travail. Ce n’est pas quand l’arbre vacille, que l’on doit couper les branches !

En 2014, le sens du progrès, celui de l’histoire des luttes du 1er mai, doit nous mener à appréhender positivement la semaine de 32heures (4 jours de 8heures) sans perte de revenus, qui a prouvé son efficacité dans les entreprises qui l’ont adopté, et vers la création d’ « un revenu de base » qui gommerai en partie les notions de « classes » et proposerai une répartition plus juste et plus équitable. Mais tout cela, le kaléidoscope l’a largement défendu et continuera à le défendre.

Thomas Piketty, chantre d’un néo marxisme ? Antéchrist du libéralisme ?

Dans son ouvrage Le capital au XXIème siècle, l’économiste Thomas Piketty a pris le parti d’étudier l’évolution historique des revenus et patrimoines. Parcourant trois siècles et plus de vingt pays, il tente de renouveller entièrement notre compréhension de la dynamique du capitalisme en situant sa contradiction fondamentale dans le rapport entre la croissance économique et le rendement du capital. Si la diffusion des connaissances apparaît comme la force principale d’égalisation des conditions sur le long terme, à l’heure actuelle, le décrochage des plus hautes rémunérations et, plus encore, la concentration extrême des patrimoines, menacent les valeurs de méritocratie et de justice sociale des sociétés démocratiques

Le 15 janvier dernier, les montpelliérain-e-s ont eu le privilège avec « I comme Inégalités » dans  le cadre de l’Agora des savoirs, de se faire des idées plus précises : « Il est plus que temps aujourd'hui que le débat français entre dans une seconde phase, avec des discussions plus techniques et plus précises sur le contenu même des politiques susceptibles d'être mises en œuvre, ici et maintenant. » La répartition des richesses est l’une des questions les plus débattues aujourd’hui. Pour les uns, les inégalités n’en finiraient pas de se creuser dans un monde toujours plus injuste. Pour les autres, on assisterait à une réduction naturelle des écarts et toute intervention risquerait de perturber cette tendance harmonieuse. Mais que sait-on vraiment de l’évolution des inégalités sur le long terme?

Plus récemment, dans un article de Libération, Christian Losson et Iris Doereux ont pris le temps de décrire succès et questionnements de la tournée de Thomas Piketty au pays de l’ultralibéralisme. « Surtout, qu’on ne lui parle pas de success-story surprise. D’une Amérique éprise du livre d’un jeune Frenchy qu’elle couvrirait de lauriers et qui lui déroulerait le tapis rouge : invité à débattre aux Nations unies au côté des prix Nobel Joseph Stiglitz et Paul Krugman, convié à donner des lectures au FMI, sollicité par CNN, NBC, portraituré dans le New York Times,The Nation, etc. Capital in the Twenty-First Century, de Thomas Piketty, Le capital au XXIème siècle donc, pavé de près de 700 pages, vire au best-seller. La version américaine, barrée d’un immense «Capital» en lettres de sang, un poil plus agressive que la VF, cartonne.

A 42 ans, celui qui fut pendant trois ans outre-Atlantique l’un des plus jeunes profs du MIT de Cambridge, mais préfère son petit bureau blindé de livres de l’Ecole d’économie de Paris au faste des grandes chaires universitaire made in USA, se dit «ravi». On le sollicite d’abord par SMS, il avoue : «Je ne touche pas terre.» Mais n’en fait pas des tonnes. «Le livre a été écrit pour un public international, confie-t-il. Heureusement que cela ne marche pas qu’en France. Il compile des données historiques dans plus de vingt pays sur la répartition des revenus et des patrimoines.»

Il n’y a nulle modestie cachée, nulle arrogance feutrée chez ce chroniqueur Libé de l’inégalité des revenus et du patrimoine. Juste le sentiment de voir le job bien fait. «Le livre est quand même lisible, mais il est gros, ça peut effrayer, souffle-t-il. Mais je suis content de voir que la couverture médiatique a pu permettre de surmonter cet obstacle.» Tsunami médiatique serait plus juste. Un mois avant la sortie de l’ouvrage, le très libéral hebdo britannique The Economist prédisait ainsi que le bouquin, qui avait «pour ambition de révolutionner la manière dont on appréhende l’histoire de l’économie au cours des deux siècles passés», pourrait bien atteindre son objectif.

Barrigue

La suite ? «Piketty a transformé notre discours économique, vante Paul Krugman dans la New York Review of Books. Nous ne parlerons plus jamais de richesse et d’inégalités de la même manière.» «Un des meilleurs livres d’économie publiés depuis plusieurs décennies», embraye l’ex-chef du département de la recherche à la Banque mondiale, Branko Milanovic, qui y consacre vingt pages dans The Journal of Economic Literature… "

Piketty peut bien irriter la revue conservatrice National Review qui lui reproche, entre autres, d’être le nouveau maître à penser des «néomarxistes», à l’image d’un Baverez qui, dans le Point, l’avait taxé de «marxisme de sous-préfecture». Il peut aussi agacer The Wall Street Journal, qui le traite de «visionnaire utopiste» qui, plutôt que de convoquer le Père Goriot, devrait relire la Ferme des animaux ou le Zéro et l’Infini. L’intéressé en sourit. «J’aime bien le débat public, je suis dans mon élément, évacue-t-il, en revenant sur son marathon médias. C’est la même chose qu’en France, en plus démesuré, en plus énorme.»

L’éditeur de la version anglaise, Harvard University Press, qui a avancé la publication de l’ouvrage, boit du petit-lait. Et s’attend, raconte The Washington Post, à battre un record historique de ventes pour devenir un classique ; à l’égal de Théorie de la justice, de John Rawls. Capital in the Twenty-First Century capitalise déjà des ventes surprises en Inde. Avant de s’attaquer à la Chine ou au Japon. Thomas Piketty n’en est donc qu’au tour de chauffe de sa tournée planétaire. «Franchement, ce qui m’intéresse le plus, c’est le débat européen, pointe-t-il. Dès mon retour des Etats-Unis, dimanche, je vais donc faire beaucoup de choses en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Suède, en Italie, en Espagne.» Et de rappeler quelques évidences. «En Europe, on est obsédé par notre dette publique, alors qu’on est le continent avec le plus grand patrimoine privé du monde et le ratio patrimoine-revenu le plus élevé depuis plus d’un siècle. L’Europe est riche, ce sont ses gouvernants qui sont pauvres. Il faut d’urgence repenser des institutions défaillantes.» (…)

Piketty n’a rien d’un révolutionnaire anar. "Je crois en la propriété privée", précise-t-il d’ailleurs dans le New York Times, "Mais le capitalisme et les marchés devraient être les esclaves de la démocratie et pas le contraire". Sa thèse, le retour à une société patrimoniale, telle qu’elle existait au XIXe siècle. Une société où le capital (sous forme de biens immobiliers, rentes, dividendes) emporte tout. Et laisse les «have not» sur le flanc. A l’instar du phénomène, très prégnant aux Etats-Unis, des «super-salaires», les fameux 1% qui ont, selon Oxfam, happé jusqu’à 95% de la croissance post-crise financière de 2008. Ces 1% que Piketty a - au côté d’Emmanuel Saez, autre Frenchy très en vogue et prof à l’université de Berkeley - le premier évoqué, préfigurant le mouvement Occupy Wall Street.

«Mon livre s’inscrit dans une réflexion plus générale sur le capital et le capitalisme au XXIe, rappelle Piketty. Il interroge les différentes formes de richesses, comment elles se transforment au cours du temps et dans quelles mesures elles modifient la production d’inégalités entre groupes sociaux. Ce débat prend bien ici.»

Les Américains cherchent des solutions. «Mariez-vous vite avec quelqu’un de riche», ironise Thomas Edsall, professeur à la Columbia University, avant d’explorer les pistes de réflexion du chercheur français, telle que la taxation progressive du capital, afin de rééquilibrer l’imposition entre le capital et le travail.

«Mais l’idée d’augmenter les taxes pour les plus riches restera sûrement compliquée aux Etats-Unis, suggère Victoria de Grazia, historienne à Columbia. On ne perçoit pas les "accapareurs" avec la même colère qu’en France. On voit leur enrichissement comme la preuve du fonctionnement de la méritocratie.» Ce qui ne l’empêche pas d’applaudir l’ouvrage, sa capacité à mêler les disciplines et les savoirs. Une perspective qu’elle oppose au «désastre de l’économie actuelle», enseignée aux Etats-Unis. Et son incapacité «à mettre les étudiants face à l’histoire» et ainsi à «voir comment notre économie a changé».

Les inégalités, c’est bien le cœur du sujet et c’est la raison pour laquelle l’ouvrage de Piketty tombe à pic. En 2012, 1% des Américains les plus riches concentraient 22,5% du revenu national, du jamais-vu en soixante-dix ans. «Et surtout 40% du patrimoine, c’est ça la nouveauté, la concentration croissante des patrimoines !» tonne Piketty. Qui cite les frères Koch, ces milliardaires libertariens qui ont mis leur fortune au service de la lutte contre le «socialiste» Obama et sa volonté régulationniste.

Ce sombre tableau n’a pas échappé à la Maison Blanche. «The inequality guru», comme le surnomment certains oracles de la gauche américaine, y a été invité par Jack Straw, le secrétaire au Trésor. Et il a devisé avec le Council of Economic Advisers de la Maison Blanche, qui réunit les conseillers économiques d’Obama. Piketty y avait déjà été reçu deux ans plus tôt, en avril 2012, avec Saez. La une du New York Times en prime. Là, il s’est pointé seul. «Ils avaient lu le livre,ils étaient curieux, à fond dans la discussion, confie Piketty. Les Etats-Unis ne sont pas amoureux des inégalités. Ils se sont longtempsvus plus égalitaires que l’Europe. Ils continuent d’avoir cet espoir dans un accès au patrimoine très large, mais qui se heurte de plus en plus à l’évolution de la réalité, l’extrême concentration des richesses.»

Et d’embrayer : «Cela les a conduits à inventer une fiscalité progressive sur les revenus et sur les héritages dont on n’a pas idée en France.» A l’image d’un Roosevelt qui porta le taux marginal de l’impôt sur le revenu jusqu’à 91%. «Le pays a une relation tumultueuse avec les inégalités, dit-il encore. Sous Reagan, l’Amérique est repartie dans l’extrême inverse. Quelle sera l’évolution suivante ? Alors, oui, ça les intéresse de voir quelqu’un qui ne vient pas pour donner des leçons mais, au contraire, pour leur dire que, dans leur histoire, les institutions démocratiques ont toujours réagi à la montée insoutenable des inégalités.»

HAUSSE DU SALAIRE MINIMUM, IMPÔT, TRANSPARENCE…

Les démocrates se montrent d’autant plus curieux qu’ils souhaitent faire de la lutte contre l’inégalité l’un des thèmes de campagne des législatives de mi-mandat, en novembre. «Il ne reste que deux ans de mandat, résume Piketty, ils ne sont pas extraordinairement optimistes sur ce qu’ils veulent faire passer.» Les propositions sont timides. L’idée d’une simple (légère) hausse du salaire minimum traîne depuis des mois à Washington. «Mais ils veulent tenter de rajouter une tranche l’an prochain sur l’impôt sur les successions.» Pas gagné.

«Avec Jack Straw, confie Piketty, j’ai essayé de pousser la question de la transparence sur les patrimoines, et il était très intéressé. J’ai parlé de la réforme de l’impôt sur le patrimoine foncier et immobilier, la Property Tax. Elle est plus importante que la taxe foncière et l’impôt sur la fortune en France réunis, mais il faut la transformer en impôt progressif net, qui prenne en compte les dettes et les actifs financiers. Pas sûr que ça se fasse rapidement.»

Difficile, donc, d’imaginer un «grand bond en avant» de réformes pour freiner l’explosion des inégalités. Krugman porte ainsi un regard plus désabusé que le Frenchy sur les Etats-Unis, «où l’on a parfois l’impression, écrit-il, qu’une portion substantielle de notre classe politique travaille activement à la restauration du capitalisme patrimonial décrit par Piketty». Piketty, lui, relativise le tropisme très cliché d’un économiste qui serait plus prophète aux Etats-Unis qu’en son pays. «C’est bien de parler d’un Français aux Etats-Unis, mais tout cela est un peu ridicule. Les enjeux européens sont capitaux et ce que j’ai vécu ici me galvanise pour en parler à mon retour.»

L’auteur de Pour une révolution fiscale - qui conseilla un temps la candidate Ségolène Royal à la présidence, mais déprime devant l’orthodoxie rigoriste de l’actuel président - dit aussi : «Faire un débat télé avec Martin Shulz (candidat à la présidence de la Commission européenne) est plus important que d’aller à l’Elysée : la politique européenne ne se réduit pas à François Hollande.»

Pour mémoire, Karl Marx déclamait « Il n’y a qu’une seule façon de tuer le capitalisme: des impôts, des impôts et toujours plus d’impôts.». Thomas Piketty semble ouvrir la réflexion vers un réformisme fiscal sans faille. Puisse t’il être entendu ?

Bon « 1er mai » à toutes et à tous

Laurent Beaud

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