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le Kaléidoscope....
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29 mai 2014

Bourget-vous!

"François Hollande n'entend que de l'oreille droite". C’est par ces mots raides que Pierre Laurent, le secrétaire national du Parti Communiste Français, a qualifié l’attitude du président de la république de ne pas vouloir changer d’orientation politique, au lendemain de la claque reçue en mars dernier. Bien plus qu’une stature autoritaire assumée, et bien loin du compromis cher à François Hollande, ce sont les choix : ceux de nommer Manuel Valls à la tête du gouvernement, de maintenir  le cap vers l’offre et l’austérité au travers d’une politique économique devenue illisible, inaudible, et de plier rapidement face aux revendications de mouvements groupusculaires, empreintes de relents poujadistes et ultralibéraux extrêmes (Pigeons, Bonnets rouges, Manif pour Tous, anti GPA..) qui ont mené progressivement à une désaffection profonde des électeurs de leurs sens civiques et des citoyens des valeurs de la gauche.

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2014, année du centenaire de la mort de Jaurès serait-elle l’année où les dogmes du socialisme seraient saignés et assassinés sur l’autel de l’austérité par application d’une realpolitik sociale démocrate !? « Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire.» ; « le courage, c’est dire la vérité sans subir la loi du mensonge triomphant qui passe »…Mais pas trop vite, ni trop loin, ni trop tôt !

Pourtant, s’il y a des mots qui résonnent dans l’esprit des progressistes français encore aujourd’hui, ce sont bien ceux du tribun de Carmaux. La déroute municipale du printemps,  Jean-Christophe Cambadélis, l’avait qualifié sans équivoque et dès le soir du second tour, comme étant « la plus lourde défaite du socialisme à des élections locales » ; L’abandon du Désir à la tête du Parti Socialiste ne devait pas correspondre à l’abandon des désirs de socialisme à (re)créer auprès des français. Le KO de mars pouvait-il amener réactions suffisantes pour éviter le Chaos de mai ? Rien de bien sûr, tant l’observateur lambda à pu sentir la montée des populismes, celle des scepticismes, celle des sentiments de rejet du politique, celle de défiance à l’idée de construction européenne et celle de la non adhésion aux alternatives sociales démocrates proposées pour renverser la droite de Copé, Merkel et Junker. Le 25 mai 2014 devint jour de tristesse où la défiance et la peur ont fait le lit de l'intolérance et du repli sur soi…. Le courage, c’est de dire la vérité, de réagir avec force et pugnacité.

Au regard du témoignage que fut la vie et l’engagement de Jean Jaurès, il est à concevoir que bien souvent les mots prononcés ou écrits , doivent mesurer l’ère du temps et l’intérêt général bien plus que les conséquences systémiques dont ils seront résultantes. Bien plus qu’un père fondateur, Jaurès par sa personne et ses discours fut le sens du combat militant dont le Parti Socialiste doit s’inspirer aujourd’hui. Il convient ainsi de dire les choses avec passion, mais aussi avec sérénité.

S’il est un devoir de dire les choses et de regarder les réalités en face, il est indispensable d’entendre plutôt que d’écouter. François Hollande n'a vraisemblablement pas entendu le message des Français en mars. Il s’est engagé dans l’exclusive voie des politiques prônées par l’aile droite du PS, un choc pour les électeurs de gauche qui ont manifesté leur mécontentement et leur désarroi lors des scrutins. Maintenir le cap de l'austérité ? La réduction de 50 milliards d'euros de dépenses publiques et la baisse des impôts et des cotisations sont incompatibles avec les efforts nécessaires en faveur de la santé, de l'éducation et de la jeunesse.

Pourtant, Carmaux le lui avait bien susurré à l’oreille lors de sa visite en avril. Dans un article de l’Express, tout était déjà dit, tout était déjà écrit avant même les élections européennes. « Peu avant l'arrivée de François Hollande, la CGT avait organisé une manifestation contre sa politique "d'austérité". "On ne sait pas ce qu'il vient faire, à part récupérer l'image de Jean Jaurès", déclarait un syndicaliste interrogé. Dans cette ville où François Hollande avait engrangé 70% des suffrages au second tour de l'élection présidentielle, une manifestante se disait "plus désespérée que déçue" par le président de la République.  (…) Une femme l’interpellait en ces termes: "Vous êtes venu à Carmaux, il y a deux ans. Et vous ne tenez pas vos promesses. Pensez à nous, pensez à nous. Jaurès, il ne parlait pas comme vous et vous venez le saluer aujourd'hui." (…) Cette défiance croissante s'était également manifestée lors des élections municipales à Carmaux, commune dominée par les socialistes depuis plus d'un siècle. Certes, le maire socialiste sortant a été réélu. Mais ce fut "sans gloire", titrait La Dépêche du Midi. Une liste divers gauche s'était maintenue au second tour et le FN, arrivé troisième, y avait largement devancé l'UMP. Et "pour la première fois des élus Front national siègent au conseil" municipal de la ville de Jean Jaurès. »

Si François Hollande avait vraiment écouté les français, il aurait annoncé un grand plan de justice fiscale et sociale, des investissements pour les services publics, la hausse du SMIC, un soutien aux collectivités locales, l'interdiction des licenciements boursiers.....bref, une politique de gauche!

« Ils ont tué Jaurès ». Ne tuons pas ses idéaux. En 1891, il eut ses mots : « Pour moi, je me sens plus près, par la raison et par le cœur, d’un républicain, si modéré soit-il, qui verra dans la République non seulement le fait mais le droit, que des prétendus socialistes qui se tiennent à l’écart du grand parti républicain. Notre but doit être, non pas de fonder des sectes socialistes en dehors de la majorité républicaine, mais d’amener le parti de la Révolution à reconnaître hardiment et explicitement ce qu’il est, c’est-à-dire un Parti Socialiste. Avant peu, il y sera contraint. ».

En juillet 1892, Jaurès complétât dans un discours à l’usage des lycéens : « Il faut que vous vous arrachiez parfois à tous les soucis extérieurs, à toutes les nécessités extérieures, aux examens de métier, à la société elle-même, pour retrouver en profondeur la plénitude et la pleine liberté (…) Alors, jeunes gens, vous aurez développé en vous la seule puissance qui ne passera pas, la puissance de l’âme ; alors vous serez haussés au-dessus de toutes les nécessités, de toutes les fatalités et de la société elle-même, en ce qu’elle aura toujours de matériel et de brutal. Alors dans les institutions extérieures, en quelque matière que l’avenir les transforme, vous ferez passer la liberté et la fierté de vos âmes. Et de quelque façon qu’elle soit aménagée, vous ferez jaillir dans la vielle foret humaine, l’immortelle fraicheur des sources ».

Rendons lui de grâce l’hommage qu’il mérite ! Appliquons ce que les électeurs ont choisi en 2012, une véritable politique de gauche. Le discours du Bourget fut un tournant dans cette élection. Bourget-vous ! car « L’histoire enseigne aux hommes la difficulté des grandes tâches et la lenteur des accomplissements, mais elle justifie l’invincible espoir. »

Que ferait Jaurès aujourd’hui ? Quels seraient ses choix ? Personne, bien sûr, ne peut le dire. Personne ne peut parler à sa place. Mais si nous aimons Jaurès, ce n’est pas seulement en songeant à un passé glorieux et tragique, c’est aussi parce que nous pensons qu’il peut nous aider à réfléchir, non nous donner des solutions toutes faites. D’abord, un message de liberté et de fierté. Jaurès ne cessât de le dire, à ses élèves ou étudiants, comme à ses électeurs, aux militants et aux citoyens : soyez vous-mêmes, n’abdiquez pas votre liberté, soyez des citoyens et des citoyennes agissantes. C’est tout le sens de la phrase, si souvent répétée (et encore ici), du discours d’Albi à la jeunesse. Propos général et consensuel ? En tout cas, pas inactuel : dans un monde complexe, incertain, la tentation est grande de laisser faire les leaders d’opinion, de suivre le courant… Les exemples récents ont montré la limite de l’exercice : se laisser porter par les vents dominants n’est pas la garantie d’un beau voyage….

"L'effet des richesses d'un pays, c'est de mettre de l'ambition dans tous les cœurs. L'effet de la pauvreté est d'y faire naître le désespoir. La première s'irrite par le travail ; l'autre se console par la paresse." déclamait Montesquieu. La France n’a jamais été aussi riche et les richesses n’ont jamais été si mal réparties. C’est en substance le message de Thomas Piketty que le blog a tenté de relayer. Mais point de fatalisme à l’heure de répondre aux crises. Comme le dit le vieil adage « Quand il y a une volonté, il y a un chemin ».

Il y a près d’un an, Manuel Valls avait tenté en vain (comme il avait tenté de le faire lors des primaires de 2012, où il n’avait obtenu que 5%) d’imposer la sociale démocratie comme orientation unique chez les progressistes et avait taillé dans le vif celles et ceux qui n’adhéraient pas à l’idée : «Assumons pleinement ce cap social-démocrate et réformiste ! (…) Assumons ce que nous sommes en train de faire. Assumons-le pleinement. Moi j'en suis fier. Il y a dans ce pays une majorité pour une gauche réformiste qui pense que l’Europe est l'avenir de ce pays. ». Il avait appelé « ceux qui ne partageraient pas l'orientation sociale-démocrate à mettre leurs critiques en sourdine pour mettre un terme à «tout ce qui donne le sentiment de bisbilles ou de désordre». Ainsi, le ministre de l'Intérieur de l’époque avait naturellement choisi de défendre la mise en place du pacte de compétitivité, vanté les bienfaits de la lutte contre les déficits et même salué l’ANI signé par les partenaires sociaux.

Mais voilà, un avion ne peut voler sans ses deux ailes. Et depuis le congrès de Toulouse, l’aile gauche du Parti Socialiste émet des invectives, des recommandations, des doutes et des insistances à changer la matrice, à changer d’orientation. Celle-ci, composée des motions minoritaires Oser. Plus loin. Plus Vite. et Maintenant la Gauche, rejointe progressivement par un certain nombre de parlementaires de tous les horizons, veut encore croire que Le changement, c’est Maintenant, et empresse à une autre politique. Dialogue de sourds ?

Désormais l’appel est lancé au sein même du corpus. Mes engagements propres, même s’ils sont considérés comme minoritaires, m’ont mené à souscrire aux travaux des Socialistes pour les retraites, et en avril à ceux des Socialistes contre l’austérité. La gauche du PS souhaite une politique à l’image d’un rassemblement « Rouge, Rose, Vert » et pousse dans cette direction.

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Le Manifeste des  Socialistes contre l’austérité…

« Militants ou sympathisants socialistes, nous avons fait campagne en 2012 sur la base d’une promesse de changement, de justice sociale et de progrès.

Nous voulons la réussite de la gauche au pouvoir, condition nécessaire pour la justice sociale. Mais, malgré la défaite historique des municipales, des décisions économiques allant dans le sens d’une politique d’austérité ont été prises par le gouvernement et approuvées par une majorité de députés. Nous lançons un cri d’alarme : la gauche ne réussira que si elle démontre qu’elle met en place une autre politique que celle de la droite.

Pas plus aujourd’hui qu’hier, nous ne nous reconnaissons dans les mots de la droite (« charges », « coût du travail », « flexibilité »…) et dans les choix économiques privilégiant l’ « offre » sur la « demande ». Nous voyons bien que la situation sociale empire toujours, nous voyons bien que l’austérité ne marche nulle part (Grèce, Espagne) alors envisager de compenser la baisse des cotisations pour les entreprises par une réduction de 50 milliards d’euros des dépenses publiques c’est prendre le risque de dégrader les conditions de vie d’un grand nombre de gens sans aucune certitude sur les emplois potentiels créés.

Il n’existe pas pour nous qu’une seule politique possible.

Des députés socialistes ont lancé un appel au gouvernement pour un « contrat de majorité » et ont formulé des contre-propositions visant à ne pas mettre en péril les acquis sociaux et les services publics. 41 d’entre eux ont décidé d’exprimer par leur vote leur volonté d’un changement de politique, conforme à ce pour quoi ils ont été élus. Nous les soutenons et nous les engageons à tenir bon dans les débats parlementaires qui s’ouvriront dès les prochaines semaines. 

Nous sommes rassemblés ici pour rappeler avec eux comme avec les militants et sympathisants socialistes qui agiront en ce sens sur leurs territoires que l’austérité n’est pas incontournable. »

Ce samedi 31 mai 2014, afin de réagir à la débâcle des élections européennes, afin de mobiliser les militants et les sympathisants socialistes qui ne veulent pas se résigner à voir la politique menée jusqu'à présent, et qui a conduit à ce désastre, Socialistes contre l’austérité organise un Repas à Palabres au Domaine de Bel-Air 
au Haillan (33).

Il s’agit également de voir s’amplifier  la dynamique lancée lors du vote des 41 députés sur le pacte de stabilité, alors que des votes importants sur le budget vont arriver prochainement au Parlement. Ce rendez-vous, autour  des socialistes contre l’austérité, en convergence avec les autres  initiatives actuellement portées notamment par les 100 parlementaires, le Club des Socialistes Affligés, le Club Gauche Avenir,  etc... sera un moment convivial de rencontres, de prises de paroles et d’échanges entre parlementaires toutes sensibilités confondues et militants et sympathisants signataires du Manifeste Les socialistes contre l’austérité.

« Un autre monde est possible » ne peut pas être repris ainsi et se retrouver dans la bouche du Front National comme nous l’avons entendu ces dernières semaines, la gauche doit réagir. Monsieur le président, Bourget-vous !

Laurent Beaud

 

François Hollande - Discours du Bourget - 22 janvier 2012

Extraits :

« Présider la République, c'est se dévouer à l'intérêt général, dont toute décision doit procéder. C'est éprouver la France par sa raison et dans son cœur. C'est prolonger l'histoire de notre pays, qui vient de loin, avant la République, avec la République, et qui a souvent, si souvent éclairé l'histoire du monde. C'est se situer à cette hauteur. C'est s'en montrer digne, partout, en tout lieu et dans tous les actes qu'exige la fonction présidentielle.

Présider la République, c'est préserver l'Etat, sa neutralité, son intégrité, face aux puissances d'argent, face aux clientèles, face au communautarisme. Présider la République, c'est être viscéralement attaché à la laïcité, car c'est une valeur qui libère et qui protège. Et c'est pourquoi j'inscrirai la loi de 1905, celle qui sépare les Eglises de l'Etat, dans la Constitution.

Présider la République, c'est refuser que tout procède d'un seul homme, d'un seul raisonnement, d'un seul parti, qui risque d'ailleurs de devenir un clan. Présider la République, c'est élargir les droits du Parlement. C'est reconnaître les collectivités locales dans leur liberté. C'est engager un nouvel acte de la décentralisation. C'est promouvoir les partenaires sociaux. C'est reconnaître leur rôle dans la Constitution. C'est faire participer les citoyens aux grands débats qui les concernent, et le premier sera l'avenir de l'énergie en France.(…)

Présider la République, c'est démocratiser les institutions. Et j'introduirai le non-cumul des mandats pour les Parlementaires, une part de proportionnelle à l'Assemblée nationale, la parité dans l'exercice des responsabilités et le droit de vote des étrangers aux élections locales, sans rien craindre pour notre citoyenneté, pour la cohésion du pays, en mettant de côté les peurs, les frilosités et les conservatismes.

Présider la République, c'est faire respecter les lois pour tous, partout, sans faveur pour les proches, sans faiblesse pour les puissants, en garantissant l'indépendance de la justice, en écartant toute intervention du pouvoir sur les affaires, en préservant la liberté de la presse, en protégeant ses sources d'information, en n'utilisant pas le renseignement ou la police à des fins personnelles ou politiques. Présider la République, c'est être impitoyable à l'égard de la corruption. Et malheur aux élus qui y succomberont ! Présider la République, c'est rassembler, c'est réconcilier, c'est unir, sans jamais rien perdre de la direction à suivre. C'est écarter la stigmatisation, la division, la suspicion, les oppositions entre Français, ceux qui seraient là depuis toujours, ceux qui seraient là depuis moins longtemps.(…)

Deux grandes dates ont marqué ma vie politique, l'une violente, le 21 avril 2002, une blessure que je porte encore sur moi, j'en ai la trace, ce soir terrible ou l'extrême droite, faute de vigilance et de lucidité face à la menace, face à la dispersion, met la Gauche hors-jeu et permet à la Droite de s'installer pour dix ans. J'en ai tiré toutes les leçons. Moi, je ne laisserai pas faire, je ne laisserai pas les ouvriers, les employés, aller vers une famille politique qui n'a jamais rien fait pour servir les intérêts de ces classes-là. Je ne laisserai pas un parti caricaturer les problèmes sans jamais apporter la moindre solution crédible. Je ne laisserai pas une formation politique se présenter comme la voix du peuple alors qu'elle veut simplement se servir de lui. Je ne laisserai pas s'éloigner au nom de la France des citoyens, nos amis, qui peuvent penser que l'ennemi est ici, qu'il a une couleur et une religion, ce qui serait contraire aux principes mêmes de notre République. Je ne laisserai pas utiliser la colère et la détresse pour mettre en cause la République, la construction européenne et les droits de l'homme. Je ne laisserai pas une formation politique réclamer le rétablissement de la peine de mort. Je me battrai, je me battrai jusqu'à mon dernier souffle pour conjurer ce risque et pour éviter que l'élection présidentielle soit tronquée. Parce que ce qu'attendent une grande majorité de nos concitoyens, c'est finalement le choix entre la Gauche et le Droite, c'est-à-dire le choix le plus clair pour permettre à notre pays de faire véritablement la décision.

L'autre date qui reste gravée dans ma mémoire est plus heureuse, c'est le 10 mai 1981. J'avais 26 ans. Je sais ce qu'elle a représenté pour tous ceux qui avaient attenu pendant des décennies, si longtemps donc, ce moment, l'alternance enfin, le bonheur de la victoire. Il y a eu bien sûr d'autres succès pour la Gauche : 1988, 1997, mais ils ne pouvaient pas avoir la même portée.( …)

Comme vous, je connais la gravité de l'heure que nous vivons. Une crise financière déstabilise les Etats, des dettes publiques énormes donnent aux marchés tous les droits. L'Europe se révèle incapable de protéger sa monnaie de la spéculation. Notre propre pays est confronté à un chômage record et s'enfonce dans la récession autant que dans l'austérité. Le doute s'est installé. Je le mesure chaque jour. Il se charge en défiance envers l'Europe et même envers la démocratie. Il se transforme en indignation devant l'injustice d'un système, l'impuissance d'une politique, l'indécence des nantis. Il dégénère en violence privée, familiale, sociale, urbaine, avec cette terrible idée qui s'est installée, qui se diffuse dans notre conscience collective : la marche vers le progrès se serait arrêtée, nos enfants seraient condamnés à vivre moins bien que nous. Eh bien, c'est contre cette idée-là que je me bats. Voilà pourquoi je suis candidat à l'élection présidentielle. Je veux redonner confiance aux Français dans leur vie : la France a traversé dans son histoire bien des épreuves, bien des crises, des guerres, des révolutions, elle les a toujours surmontées, toujours en refusant l'abaissement, la résiliation, le repli, jamais en succombant au conformisme, à la peur, à la loi du plus fort, mais en restant fidèle aux valeurs de la République, en allant puiser en elle-même le courage pour accomplir les efforts, pour défendre son modèle social, pour garder sa fierté en redressant la tête, en regardant lucidement le défi à affronter, en débattant librement et en faisant les choix qui s'imposent.

Il n'y a jamais, je dis bien jamais, une seule politique possible, quelle que soit la gravité de la situation. L'Histoire n'est pas l'addition de fatalités successives, elle nous enseigne qu'il y a toujours plusieurs chemins. La voie que je vous propose, c'est le redressement dans la justice, c'est l'espérance dans la promesse républicaine.

Mais avant d'évoquer mon projet, je vais vous confier une chose. Dans cette bataille qui s'engage, je vais vous dire qui est mon adversaire, mon véritable adversaire. Il n'a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, il ne sera donc pas élu, et pourtant il gouverne. Cet adversaire, c'est le monde de la finance. Sous nos yeux, en vingt ans, la finance a pris le contrôle de l'économie, de la société et même de nos vies. Désormais, il est possible en une fraction de seconde de déplacer des sommes d'argent vertigineuses, de menacer des Etats.

Cette emprise est devenue un empire. Et la crise qui sévit depuis le 15 septembre 2008, loin de l'affaiblir, l'a encore renforcée. Face à elle, à cette finance, les promesses de régulation, les incantations du « plus jamais ça » sont restées lettre morte. Les G20 se sont succédés sans résultat tangible. En Europe, 16 sommets de la dernière chance ont été convoqués pour reporter au suivant la résolution définitive du problème. Les banques, sauvées par les Etats, mangent désormais la main qui les a nourries. Les agences de notation, décriées à juste raison pour n'avoir rien vu de la crise des subprimes, décident du sort des dettes souveraines des principaux pays, justifiant ainsi des plans de rigueur de plus en plus douloureux. Quant aux fonds spéculatifs, loin d'avoir disparu, ils sont encore les vecteurs de la déstabilisation qui nous vise. Ainsi, la finance s'est affranchie de toute règle, de toute morale, de tout contrôle.

Disant cela, je ne montre pour autant aucune indulgence sur le quinquennat qui arrive à son terme. Mais là n'est déjà plus la question. Les jugements sont faits. Commencé dans la virevolte, ce quinquennat finit dans la tourmente. Plombé par des cadeaux fiscaux destinés aux plus fortunés, il s'achève par des hausses de prélèvements imposées à tous les Français. Inauguré par une promesse de retour au plein emploi, il se termine par un chômage record. Et que dire des déficits, de la dette, de la désindustrialisation, de la démolition des services publics, notamment de l'école ?

Un seul mot résume cette présidence : la dégradation. Tout s'est dégradé. Je ne parle pas d'une note. Je ne parle même pas des comptes publics. Je parle des conditions de vie, des comportements, tout simplement de la situation du pays. A l'injustice dans les choix, l'incohérence des décisions se sont ajoutés l'accaparement du pouvoir et la connivence avec les puissants, avec ce paradoxe ultime que la volonté d'omnipotence débouche sur un aveu d'impuissance. Voilà pourquoi le changement n'est pas seulement celui d'un président, d'un gouvernement ou d'une majorité. Il faut aller bien plus loin : c'est un changement de politique, de perspective, de dimension qu'il faut offrir à notre pays le 22 avril et le 6 mai.

Si la finance est l'adversaire, alors il faut l'affronter avec nos moyens et d'abord chez nous, sans faiblesse mais sans irréalisme, en pensant que ce sera un long combat, une dure épreuve mais que nous devrons montrer nos armes. Maîtriser la finance commencera ici par le vote d'une loi sur les banques qui les obligera à séparer leurs activités de crédit de leurs opérations spéculatives. Aucune banque française ne pourra avoir de présence dans les paradis fiscaux.

Les produits financiers toxiques, c'est-à-dire sans lien avec les nécessités de l'économie réelle seront purement et simplement interdits. Les stocks options seront supprimées. Et les bonus encadrés Enfin, je proposerai une taxe sur toutes les transactions financières, non pas le rétablissement de l'impôt de bourse, ce qui va être fait et qui a été supprimé il y a quelques mois - c'est vous dire la cohérence ! Non, je proposerai une véritable taxe sur les transactions financières, avec ceux en Europe qui voudront la mettre en œuvre avec nous. Je proposerai aussi, si l'on veut éviter d'être jugés par des agences de notation dont nous contestons la légitimité, de mettre en place au niveau européen une agence publique de notation.

L'autre point par rapport à la finance est européen. La zone euro se défait sous nos yeux. La France doit retrouver l'ambition de changer l'orientation de l'Europe. Elle imposera de savoir convaincre et entraîner nos partenaires. On me demande souvent : « mais comment allez vous faire pour faire venir vos alliés dans cette Europe, sur les positions que vous défendez, puisque le Président sortant n'y est pas arrivé » ? Mais ce qui va changer, c'est le vote des Français, qui sera notre levier pour convaincre. Les destins de l'Europe et de la France sont liés, la grandeur de la France ne peut pas être séparée de la force de l'Europe. Nous avons besoin d'Europe, elle doit nous aider à sortir de la crise mais pas imposer une austérité sans fin qui peut nous entraîner dans la spirale de la dépression. Les disciplines sont nécessaires, des engagements, devront être pris pour le désendettement et être respectés. Mais c'est la croissance qui nous permettra d'y parvenir le plus sûrement. C'est pourquoi je proposerai à nos partenaires un pacte de responsabilité, de gouvernance et de croissance. Je renégocierai le traité européen issu de l'accord du 9 décembre pour lui apporter la dimension qui lui manque, c'est-à-dire la coordination des politiques économiques, des projets industriels, la relance de grands travaux dans le domaine de l'énergie et puis les instruments pour dominer la spéculation, un fonds européen qui puisse avoir les moyens d'agir sur les marchés avec l'intervention de la Banque centrale européenne qui devrait être, finalement, au service de la lutte contre la spéculation. J'agirai en faveur de la création d'euro-obligations afin de mutualiser une partie des dettes souveraines, de financer les grands projets. Je défendrai, parce que c'est le sens du projet européen, une démocratie qui associera les parlements nationaux et européens aux décisions qui devraient concerner les Etats. Je proposerai une nouvelle politique commerciale en Europe qui fera obstacle à la concurrence déloyale, qui fixera des règles strictes en matière sociale, en matière environnementale, de réciprocité. Une contribution écologique sera installée aux frontières de l'Europe pour venir compléter ce dispositif. Je continuerai à agir pour une parité juste de l'euro vis-à-vis du dollar américain. Je n'accepterai pas que la monnaie chinoise soit encore inconvertible alors que cette première puissance commerciale finit par être excédentaire sans que sa monnaie, jamais, ne soit réévaluée.

L'Europe a bien des défauts, je les connais. Mais en même temps elle est notre bien commun. Défendons-la, elle en a besoin, elle le mérite ! Ce qui manque à l'Europe, c'est du mouvement - et c'est un Européen de cœur qui le dit - mais pas dans n'importe quelle Europe : le mouvement vers une Europe de croissance, vers une Europe de solidarité, vers une Europe de protection. C'est la vocation de l'a France que de la construire avec l'Allemagne et avec les pays qui voudront nous accompagner.(…)

C'est pourquoi j'engagerai avec le Parlement la réforme fiscale dont notre pays a besoin. C'est pour la justice que je reviendrai sur les allègements de l'impôt sur la fortune, c'est pour la justice que je veux que les revenus du capital soient taxés comme ceux du travail. Qui peut trouver normal qu'on gagne plus d'argent en dormant qu'en travaillant ? C'est pour la justice que je veux fusionner, après les avoir rapprochés, l'impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée, dans le cadre d'un prélèvement progressif sur le revenu. C'est pour la justice que je porterai la tranche supérieure à 45 % de l'impôt sur le revenu pour ceux qui touchent plus de 150 000 euros. Et on ne me fera pas croire qu'avec 150 000 euros, ce sont les classes moyennes qui seront concernées ! C'est pour la justice que je veux que nul ne puisse tirer avantage de niches fiscales au-delà d'une somme de 10 000 euros de diminution d'impôts par an.(…)

L'égalité, c'est aussi le meilleur accès pour tous au logement. Nous manquons de logements en France. Ils atteignent des prix insupportables, et pas simplement dans les grandes villes. Il faut donc plus de logements. C'est pourquoi je prendrai une décision : l'Etat montrera l'exemple, il mettra immédiatement à la disposition des collectivités locales tous ses terrains disponibles pour leur permettre de construire de nouveaux logements dans un délai de cinq ans. Plus de logements, plus de logements sociaux, et c'est pourquoi le Livret A - qui sert à collecter une épargne précieuse pour le logement social-, eh bien le livret A verra son plafond doubler, afin que tous les Français, par leur épargne, puissent financer le logement social.

Il faut plus de logements, plus de logements sociaux, et des logements moins chers. Je sais que cela prendra du temps, mais pour éviter les abus, j'encadrerai les loyers là où les prix sont manifestement excessifs. Il faut des villes plus équilibrées. Et je multiplierai par cinq les sanctions qui pèsent sur les communes qui bafouent la loi de solidarité urbaine.(…)

Et je me permettrai de citer Shakespeare, qui rappelait cette loi pourtant universelle : « ils ont échoué parce qu'ils n'ont pas commencé par le rêve ». Eh bien nous réussirons parce que nous commencerons par évoquer le rêve ! Le rêve français, c'est la confiance dans la démocratie, la démocratie qui sera plus forte que les marchés, plus forte que l'argent, plus forte que les croyances, plus forte que les religions ! Le rêve français, c'est l'achèvement de la promesse républicaine autour de l'école, de la laïcité, de la dignité humaine, de l'intérêt général.( …)

Je veux, je veux que nous allions ensemble vers la France de demain ! Une France du travail, du mérite, de l'effort, de l'initiative, de l'entreprise, où le droit de chacun s'appuiera sur l'égalité de tous. Une France de la justice, où l'argent sera remis à sa place, qui est celle d'un serviteur et non d'un maître. Une France de la solidarité, où aucun des enfants de la Nation ne sera laissé de côté. Une France du civisme, où chacun demandera non pas ce que la République peut faire pour lui, mais ce que lui, peut faire pour la République ! Une France de la diversité où chacun apportera sa différence, mais dans l'unité de la République, où les Outre-mers nous ouvrent à tous les horizons du monde et où les enfants d'immigrés doivent être fiers, fiers d'entre Français, Français, parce que c'est le plus beau nom qu'on puisse donner à un citoyen du monde, à une France de l'exemple, où le pays se retrouve dans ce qui l'élève, dans ce qui le réunit, le dépasse, une France de la confiance où toutes les forces qui la constituent se mobilisent pour l'avenir !

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