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le Kaléidoscope....
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21 août 2014

Prostitution: Vers une retranscription abolitionniste dans la loi!

"La prostitution, un sujet secondaire ? À voir les réactions passionnelles, et souvent outrancières, qui accompagnent le débat et notamment l'éventuelle pénalisation des "clients" (qui après tout sont une minorité d'hommes !), on peut penser que les enjeux en sont au contraire des plus cruciaux. (…) Le système prostitueur n'est pas à remettre en cause pour des raisons moralisantes mais parce qu'il est contraire aux plus élémentaires droits humains ». Ces deux phrases extraites de l’ouvrage Le plus vieux métier du monde (2012) de Claudine Legardinier, expriment pleinement l’antagonisme entre les raisons de l’absolu nécessité de parvenir à une société sans prostitution, le refus de stigmatiser les victimes enfermées dans ce carcan et les levées de boucliers « libérales » ou « réactionnaires » contradictoires qui apparaissent dès lors que l’on aborde le sujet. Alors "... Comment se révolter contre une réalité dont la société serine qu'elle est une nécessité sociale ou "un métier comme un autre" ? On ne se révolte pas contre la fatalité. C'est bien pourquoi les clichés sur "le plus vieux métier du monde" ont une fonction politique : celle de réduire ses victimes au silence et à la résignation."

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Aussi, rien d’étonnant à constater une énième proposition de loi sur la question qui ne va pas encore tout à fait au bout de ses prétentions, bien qu’il faille saluer la direction toujours plus constante de la France en la matière : l’abolitionnisme. Le mot est volontairement lourd de sens. S’il y a bien quelque chose qui perturbe tout un chacun d’entre nous dans la prostitution, c’est que l’exploitation monétarisée du corps ou la présence de réseaux organisant la traite des êtres humains, ne peuvent être acceptables. C’est aussi que l’altération du consentement lié à la transaction d’argent, que les violences inhérentes et sous-jacentes à ce système, que la place et l’image allouées par celui-ci à la femme, laissent sans détour constater à une forme d’esclavage moderne.

Les prémices d’une prise de conscience collective

Il y a trois ans, la représentation nationale s’était penchée sur la question, pour mieux comprendre les réalités de la prostitution en France, en se dotant d’une mission d’information. Dans le rapport de cette mission,  remis le 13 avril 2011 à la présidence de l’Assemblée Nationale, c’est également avec une citation de Claudine Legardinier « Le système prostitutionnel est fait pour verrouiller le silence : il est très difficile de faire sortir cette parole, et que cette parole soit entendue par la société qui ne souhaite absolument pas l’entendre », que le débat s’était (ré)engagé pour écouter, entendre, proposer, solutionner. Ce rapport s’était voulu sans concession et avait abouti à 30 propositions ; il a eu pour intérêt de poser certes les bonnes questions et de regarder les choses en face, mais au final le résultat fut maigre en terme de proposition de lois.

Afin de mieux comprendre ce que signifie la volonté abolitionniste de la France, voici quelques extraits de ce rapport intitulé Prostitution : l’exigence de responsabilité. Pour en finir avec le plus vieux métier du monde : « La parole des personnes prostituées est inaudible dans l’espace public, dans lequel elles se trouvent pourtant visibles de tous. Stigmatisées, marginalisées, elles apparaissent parfois dans la presse, mais généralement dans la rubrique des faits divers, lorsque l’une d’entre elles a été agressée voire assassinée(…) Pour remédier à cette absence de visibilité, sont apparus, au cours des dernières années, des collectifs et des associations composés de personnes prostituées.(…) la mission a également été attentive à une autre parole, plus difficile à entendre encore, parce qu’emprisonnée dans la honte et la culpabilité. Cette parole, c’est celle des anciennes personnes prostituées, les « pleureuses », comme les appelle l’anthropologue Catherine Deschamps, celles qui, un jour, veulent sortir de la prostitution et raconter ce qu’elles y ont vécu. Leur parole est emprisonnée sous la chape de plomb que constitue le mythe de la « putain », la femme coupable, qui se prostitue parce que, nécessairement, c’est une mauvaise femme. D’où une intense culpabilité, qui fait obstacle au besoin éperdu de s’exprimer. (…)

L’expérience des associations et des travailleurs sociaux, qui mettent en œuvre l’essentiel des politiques publiques, a été primordiale, dans un domaine où l’État est largement absent. Des représentants des services publics qui sont quotidiennement au contact des personnes prostituées (…) ont fourni un éclairage précieux quant aux conditions de vie et d’activité de ces dernières. Enfin, les responsables nationaux et locaux des principales politiques publiques ont permis de dresser le constat du désintérêt croissant de l’État pour le sujet de la prostitution.(…) Enfin, le constat ne serait pas complet si l’on ne faisait pas état des circonstances qui poussent certaines personnes, essentiellement des femmes, à se prostituer. La traite des êtres humains est la première pourvoyeuse de personnes prostituées, associée à la vulnérabilité et à la précarité financière.

Du côté des politiques publiques, le bilan qui se dégage est en demi-teinte. Plutôt positif en matière de lutte contre le proxénétisme, il est plus nuancé dans celui de l’accès aux soins et de la lutte contre le racolage et désastreux pour ce qui est des politiques sociales. La France semble avoir tiré un trait sur le versant social de sa politique abolitionniste, se concentrant de manière pratiquement exclusive sur la lutte contre l’exploitation sexuelle et le maintien de l’ordre public. Ce sont les personnes prostituées qui en sont les premières victimes.(…)

Face à ce pluralisme tant idéologique que géographique, la mission a choisi la seule boussole possible afin de dresser la liste de ses préconisations : les principes juridiques qui sont au fondement de notre société démocratique et républicaine, au premier rang desquels la non-patrimonialité du corps humain, son intégrité et l’égalité entre les sexes. La prostitution a été analysée à l’aune de ces grands principes ; il en ressort qu’elle doit être considérée comme une violence, en majorité subie par des femmes et aux conséquences souvent considérables.

Dès lors, la perspective des politiques publiques ne peut être que celle d’un monde sans prostitution. »

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Lors de la publication des conclusions de la mission d’information, une seule des trente préconisations a été retenue (la « pénalisation des clients ») et un seul reproche lui a été adressé : cette proposition, « fruit d’une pudibonderie exacerbée, marquerait la volonté de restaurer un ordre moral sexuel ». L’existence de ce type de propos au XXIème siècle, prouve que certains ont encore une vision viciée et vicieuse de ce qui semblerait devoir être « un ordre moral sexuel », sous entendant que la prostitution pourrait être une pratique éventuellement acceptable ou réglementée. Il convient de leur rappeler que la France a adopté en 1948 la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (directement inspirée de la déclaration de 1789, fondement de notre république), que celle-ci est sans concession dans son préambule : « Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde.(…)Considérant que dans la Charte les peuples des Nations Unies ont proclamé à nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité des droits des hommes et des femmes, et qu'ils se sont déclarés résolus à favoriser le progrès social et à instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande. » et que dans ses articles « Art. 1er : Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.(…) Art.4 : Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.(…) Art. 5 : Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. »

Comme l’a souligné ce rapport, l’objectif était de faire un état des lieux sur la prostitution en France afin de proposer des solutions adaptées. Bien que nous ne disposons que de trop peu de chiffres ou d’enquêtes, deux difficultés se sont révélées, dues à une mutation du système prostitutionnel en liaison directe avec l’évolution historique, technique et politique de nos sociétés contemporaines: 1/ désormais la prostitution n’est plus exclusivement dans la rue, elle use d’un biais virtuel, Internet, qui lui permets d’être moins visible et difficilement détectable, 2/ de par ailleurs, la coexistence de pays dits « réglementaristes » (Allemagne, Pays Bas, Espagne…) et de leurs bordels géants, avec d’autres dits « abolitionnistes » (France, Suède…) dans un même et unique espace Schengen (aux législations nationales souveraines) permettant les déplacements sans frontières, a favorisé un « tourisme sexuel transfrontalier de la prostitution », voir même le développement de l’idée d’une prostitution dite de « loisir ».

Vers un système abolitionniste ?

Le juriste Cédric Amourette de l’Amicale du Nid explique très bien cela : « le système abolitionniste, le plus récent des trois systèmes est adopté par la France depuis les ordonnances du 25 novembre 1960. Ce système est né par opposition au système réglementariste. Il est le seul à avoir une base textuelle : la convention des nations unies du 2 décembre 1949 pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui. Le terme d’abolition ne signifie pas que la prostitution soit interdite, mais que sont prohibés tous les règlements qui visent à organiser la prostitution ou qui soumettent les personnes prostituées à des mesures spéciales, plus particulière l’obligation de figurer sur des fichiers. Dans ce système, le proxénétisme sous toutes ses formes est sévèrement réprimé, la prostitution n’est pas interdite mais tolérée, des mesures préventives doivent être mises en place et les personnes prostituées, considérées comme victimes, doivent bénéficier d’un traitement social. Le volet social de la prostitution, pendant du volet répressif,  est du ressort de l’Etat. Les ordonnances de 1960 avaient prévu que des services de prévention et de réadaptation sociale devaient être créés dans tous les départements. Ces services devaient de même être en relation avec des centres d’hébergement et de « réadaptation sociale » terme qui n’est plus utilisé, nous parlons aujourd’hui d’accompagnement social. Malheureusement seuls quelques SPRS ont été créés et subsistent aujourd’hui. L’Etat s’est en fait déchargé sur les associations qu’il subventionne de plus en plus mal et qui sont chargées de faire ce travail de prévention et de réinsertion. »

Bref, la retranscription de cette volonté abolitionniste est toujours à effectuer dans la législation française. De nombreuses associations ou organisations ont pris position et/ou militent en faveur de l'abolitionnisme, sous une forme ou sous une autre, notamment afin d'être en cohérence avec leurs principes fondateurs (féminisme, humanisme…). Nous pourrions citer les actions médiatiques ou les travaux de prévention et de réinsertion de l’UCTEH, de ZéroMacho, d’Abolition 2012, d’Osez le féminisme!, du Mouvement ou de L’Amicale du Nid

 

Casser les idées reçues

Parmi les 30 propositions de la mission de 2011, la n° 30 appelait à « améliorer notre connaissance de la prostitution, en commandant une enquête universitaire visant à dresser un état des lieux de la prostitution dans sa globalité ; en demandant à l’Observatoire national de la vie étudiante de mener une enquête sur la prostitution étudiante, en menant une enquête visant à évaluer les besoins des personnes prostituées en matière d’accompagnement ». En partenariat avec la Mission pour l’égalité femmes-hommes de l’Université Paul Valéry Montpellier III, l’Observatoire de la Vie Etudiante, la médecine préventive et le Crous de Montpellier, l’Amicale du Nid 34 a rendu public le 17 juillet 2014 un rapport de recherche-action sur la thématique La prostitution chez les étudiant-e-s : des représentations sociales aux pratiques déclarées. En effet, l’un des sujets préoccupants, est l’apparition ou le développement à plus ou moins grande échelle d’une prostitution dite étudiante. Tant de réactions, parfois fantasmagoriques, sont apparues, qu’il est devenu indispensable d’analyser, de mesurer l’ampleur de ce phénomène, et de réagir avant que certains comportements sociologiques et d’autres stéréotypes se développent plus encore.

« Depuis 2006, date à laquelle le syndicat étudiant Sud tire l’alarme en annonçant sur un tract le chiffre de 40 000 étudiantes prostituées, chiffre rapidement remis en question, y compris par les auteurs du tract, la prostitution dite étudiante n’a cessé de faire couler de l’encre, devenant l’objet de récits romanesques ou biographiques, de nombreux articles de presse et reportages ainsi que d’œuvres cinématographiques... Plus récemment, c’est l’arrivée en France des sites Internet « Sugar babies » et « Seeking Arrangment » qui ont suscité de nombreuses réactions médiatiques, ainsi qu’un dépôt de plainte de l’association « Agir cotre le proxénétisme ». Les études scientifiques sur le sujet, elles, sont restées plus rares.

La prostitution, de manière générale, est un sujet qui laisse rarement indiffèrent. Les récents débats dans les medias à propos de l’actuelle proposition de loi de lutte contre le système prostitutionnel montrent que le sujet est souvent mal connu et difficile à penser. A ce titre, il suscite des débats véhéments, particulièrement clivant, y compris dans les milieux féministes. La référence à une prostitution qui serait spécifiquement étudiante apparaît fréquemment dans ces débats.

Mais à quoi pense-t-on ? Une prostitution spécifiquement étudiante ? Une référence lointaine dans nos représentations à une jeunesse en proie à une grande précarité et dont la sexualité deviendrait une source de revenu, à toute fin utile ? Comment rester indiffèrent face à ce sujet qui combine deux mots renvoyant à des univers si contrastés que l’expression relève presque de l’oxymore ? Ceci peut expliquer une tendance à la surestimation du phénomène quand il s’agit d’alerter l’opinion publique sur la condition étudiante aujourd’hui. Mais l’incongruité apparente de cette expression peut tout aussi bien expliquer la minimisation parfois à l’œuvre quand il s’agit de rassurer les parents, les politiques et certains responsables du monde universitaire, ou encore de faire le jeu de ceux qui en tirent un bénéfice, notamment par l’exploitation des étudiant-e-s. (…) »

De cette enquête par l’intermédiaire d’un questionnaire aux réponses anonymes, les résultats furent sans appel. « 4 % des personnes interrogées ont déjà été en situation de prostitution » et « 15,9 % des étudiants déclarent pourvoir envisager le recours à la prostitution en cas de situation très précaire ». Mais la précarité explique t’elle tout ? Et bien non ! « Bien que réelle, la précarité des étudiants ne saurait épuiser la compréhension du phénomène : certains étudiants très précaires ne passeront pas à l'acte, tandis que d'autres le font alors que leur précarité économique est objectivement relative ». A contrario, les raisons du passage par la prostitution sont multiples et peuvent t être dues à des ruptures familiales ou à « une incitation ou une initiation extérieure ». La plupart du temps, les étudiants mènent une double-vie et personne n'est au courant de leurs activités.

Un secret qui est favorisé par la naissance de sites spécialisés. Ces plateformes proposent une version soft de la prostitution : la plupart du temps, ils parlent d'escorting, ou de Sugar Babies. Le phénomène a explosé ces derniers mois en France. Le concept est simple : des hommes fortunés (sugar daddies) rencontrent de jeunes filles séduisantes (sugar babies), souvent étudiantes, et les rémunèrent pour leur compagnie ou pour un moment plus intime. Une prostitution 2.0 qui inquiète les différentes associations étudiantes. Difficile de dire si les chiffres de cette enquête sont représentatifs de l’ensemble des campus ; toutefois devant l’inquiétude grandissante, l'Amicale du Nid ne compte pas s'arrêter là.

La proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel

Forte de son ambition de parvenir à une société sans prostitution (Résolution de l’Assemblée Nationale de 2011), la France, par le biais de son législateur, a déposé une nouvelle proposition de loi le 29 novembre 2013. Elle fut adoptée en 1ère lecture le 4 décembre 2013 par 268 voix, contre 138, sa proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel. Déposée au Sénat depuis lors, elle devrait être examinée en septembre 2014 par cette dernière chambre. 

La proposition de loi innove et affirme son ambition : « la présente proposition de loi vise à renforcer les moyens d’enquête et de poursuite contre la traite des êtres humains et le proxénétisme ; à améliorer la prise en charge globale des personnes prostituées et la protection dont peuvent bénéficier les victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme, et donc à abolir le délit de racolage
– lequel a pour effet de conduire à qualifier les personnes prostituées de délinquantes ; à mettre en place une prévention plus importante des pratiques prostitutionnelles et du recours à la prostitution ; à responsabiliser les clients qui par leur action permettent la pérennité du système prostitutionnel. »

Voici les principales dispositions :

« L’article premier (…) a pour objet de faire respecter notre législation relative au proxénétisme. Ainsi, le I de l’article premier propose que lorsque des sites internet hébergés à l’étranger, contreviennent à la loi française contre le proxénétisme et la traite des êtres humains, les fournisseurs d’accès internet devront empêcher l’accès à leurs services. Les décisions de l’autorité administrative peuvent être contestées devant le juge administratif »

« Le chapitre II améliore la protection et l’accompagnement global dont peuvent bénéficier les victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme, et de la prostitution. Pour cela, il réforme les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de permettre la mise en œuvre des droits ouverts aux victimes de traite et de proxénétisme. Il prévoit également plusieurs dispositions en matière de logement, de revenu de substitution, de protection et de réparation aux victimes de traite et du proxénétisme, ainsi que l’abrogation du délit de racolage public. Il crée enfin un parcours de sortie de la prostitutionL’article 2 met en place, au sein des conseils départementaux de prévention de la délinquance, d’aide aux victimes et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes, une instance chargée d’organiser et de coordonner l’action en faveur des victimes de la prostitution, réunissant le Parquet, les services de police et de gendarmerie, les services préfectoraux, les élus locaux et les associations. »

L’article 6 propose une aide à la sortie du système prostitutionnel : obtention d’une autorisation de séjour de 6 mois renouvelables pour toute personne étrangère victime du proxénétisme et qui veut en sortir. « Ce dispositif permettra ainsi de faire primer le droit des victimes, indépendamment de la dénonciation des réseaux de traite et de proxénétisme, sans pour autant permettre son détournement au bénéfice des réseaux de traite et de proxénétisme comme cela peut être le cas pour les demandes d’asile. » Les victimes du proxénétisme, embarquées de force dans les réseaux de prostitution à travers les pays, qui réussissent à en sortir ne méritent-elles pas d’aide à en sortir efficacement et pour toujours ? Ne méritent-elles pas la protection d’un Etat, de ses lois et de sa force publique pour empêcher ses anciens exploitants de la remettre dans le circuit ? Si la France, dans sa lutte contre la prostitution, souhaite offrir cette aide à ces victimes, on ne peut que saluer cette initiative, et encourager chaque État à faire de même.

« L’article 13 transpose les dispositions de la directive 2011/36/UE du Parlement européen relative à la traite qui n’ont pas à ce jour été introduites dans notre droit et demandant de supprimer toute victimisation supplémentaire des victimes de le traite et de la prostitution. Il abroge donc le délit de racolage prévu par l’article 225-10-1 du code pénal qui sanctionne les personnes prostituées, qu’il convient de protéger plutôt que d’interpeller. Comme l’indique la directive signée par la France en 2011 et ratifiée en 2013, les victimes devraient être protégées contre les poursuites ou les sanctions concernant des infractions sur la prostitution, le but étant de garantir aux victimes les bénéfices des droits de l’homme, de leur éviter une nouvelle victimisation, un traumatisme supplémentaire, et de les inciter à intervenir comme témoins dans le cadre des procédures pénales engagées contre les auteurs des infractions. (…)Les condamnations pour ce délit seront mécaniquement supprimées des casiers judiciaires des personnes concernées. Cette mention constitue en effet un obstacle notable à leur réinsertion sociale et professionnelle. »

 L’article 16 créé une contravention de 5ème classe contre toute personne ayant recours à la prostitution, avec peine d’amendes. Autrement dit, les « clients » se voient ainsi condamnés de payer un être humain en échange de pratiques sexuelles. « L’article 16 procède à la création d’une contravention de cinquième classe sanctionnant le recours à la prostitution d’une personne majeure. Ces faits seront ainsi punis d’une amende de 1 500 euros. Le texte prévoit la récidive contraventionnelle de ces faits, qui seront alors puni de 3 000 euros. L’article 17 crée une peine complémentaire visant à sanctionner le recours à la prostitution. Est créé un stage de sensibilisation aux conditions d’exercice de la prostitution, sur le modèle des stages de sensibilisation à la sécurité routière ou aux dangers de l’usage des produits stupéfiants. Ce stage pourra avoir lieu auprès d’associations agréées, et aura pour objectif de faire connaître aux clients de la prostitution les conditions de vie et d’exercice de la prostitution, ainsi que la réalité du phénomène de la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle et du proxénétisme. » Les « clients » de personnes prostituées qui achètent des corps humains ne méritent-ils pas condamnation pour avoir considéré le corps humain d’autrui comme un bien de consommation, parfois avec violence, au même titre que ceux qui exploitent, vendent et louent ces corps ? La pénalisation du "client" est bien le nerf central de la lutte contre la prostitution. Tant que l’on considérera normal qu’un corps humain puisse se vendre ou se louer, tant que l’on tolérera ceux qui consomment d’autres humains comme de vulgaires objets, tant que l’on ne condamnera pas ces « clients » pour leurs pratiques issues d’un manque total de respect pour la dignité d’autrui (qui achète un corps humain n’a aucun respect pour la valeur de celui-ci), les mentalités sur la prostitution et l’exploitation d’autrui ne changeront jamais et la prostitution ne disparaîtra jamais. Oui, la demande fait l’offre en l’espèce. Parce que c’est là que la prostitution est née : de la volonté égoïste, sans aucune considération des désirs d’autrui, d’obtenir des relations sexuelles sans avoir à obtenir le consentement de l’autre, mais uniquement contre de l’argent, en exploitant l’infériorité (économique, physique….) de l’autre.

Des signes encourageants

L'Assemblée nationale et le Sénat viennent d'adopter définitivement le 23 juillet 2014 la loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Cette loi demande à l’Etat, dès l’article Ier, « de renforcer la lutte contre le système prostitutionnel » pour promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes.En plaçant la lutte contre le système prostitutionnel au cœur des priorités de l'Etat, le Parlement réaffirme que l'exploitation des plus vulnérables et la violence sexuelle extrême que constitue la prostitution sont incompatibles avec tout projet de société visant l'égalité réelle entre femmes et hommes. Le Gouvernement a encouragé cette dynamique en soutenant en séance, par la voix de Najat Vallaud-Belkacem, la nouvelle rédaction de l'article 1, telle que proposée par la députée Marie-George Bufet. 

Il est désormais urgent de faire adopter définitivement la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel dès la rentrée parlementaire.

Amitiés progressistes et féministes

Laurent Beaud

P.S. Un grand merci à celles et ceux qui prennent la peine de lire ces textes jusqu’au bout. Conscient qu’ils sont parfois (ou souvent) longs, je considère indispensable l’appréciation d’un sujet dans son ensemble plus utile que les raccourcis…

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Commentaires
L
Merci de ta réaction, le blog a pour but le débat dans son sens le plus large. Cependant, je pense qu’il faut faire attention à la sémantique du sociologue auquel tu te réfères. Dans « la fin du tapin », les sous entendus sur les « besoins naturels de l’homme », « l’utilité de la putain pour les assouvir » , la description d’un proxénète « homo oeconomicus parfaitement rationnel », ou la « prostituée à laquelle on attribue parole non consentie » lui préférant (sans son accord) le concept de décorporalisation, sont des arguments sociologiquement (et surtout socialement) très contestables.<br /> <br /> <br /> <br /> J’ai lu l’ouvrage auquel tu te réfères ; et celui-la même s’appuie sur l’approche psychiatrique du Dr Judith Trinquart, sans en conserver la substance expérimentale qui est beaucoup moins compulsive. Je connais personnellement certaines féministes attaquées de façon abdominale dans ce livre, comme Florence Monraynaud ; il faut réellement arrêter d’attaquer l’abolitionnisme qui est la seule réponse « humaine » possible à un monde meilleur. Il n’est vraiment pas possible de penser que « qui ne dit rien, accepte ». Des pulsions, certains de nos « meurtriers en prison » en ont, ce n’est pas pour autant que la société leur fournit l’occasion de les assouvir, même s’ils pourraient nous les réclamer.<br /> <br /> <br /> <br /> Les difficultés sont décrites dans cet article (Internet & Réglementations nationales différentes dans un espace commun). L’abolitionnisme, tel que décrit dans cet article, est l’unique début de solution. Mais comme tout, le chemin est long et « il n’y a pas de chemin sans volonté ».
J
Pour comprendre les manipulations et les mensonges des abolitionnistes, lisez l'ouvrage du sociologue du CNRS Lilian Mathieu : "la fin du tapin" . Les sages du Sénat ne se sont pas faits bernés, ils ont multiplié les auditions et sont revenus sur les mesures de pénalisation que dénoncaient les assos de terrain, le syndicat des policier...
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