Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
le Kaléidoscope....
le Kaléidoscope....
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 43 279
31 août 2015

Droits des Femmes: Au Swaziland la danse du roseau qui plie mais ne rompt pas!

Il y a parfois des infos qui mériteraient plus d’attention de la part de nos médias car elles révèlent davantage que ce qu’elles racontent à prime abord, notamment sur l’état du monde dans lequel nous vivons.

Bien que respectueux des cultures qui ne sont pas miennes, en tant que progressiste et féministe, il y a des justifications qui sous couvert de « folklore » ou de « coutumes » me dérangent fortement.

Au royaume du Swaziland, ce vendredi 28 août plusieurs camions qui transportaient des dizaines de jeunes filles à la danse des roseaux sont entrés en collision sur la chaussée menant au lieu de la réunion. Les médias locaux ont décrit une scène d'une extrême violence, avec notamment une route couverte de sang. Les jeunes femmes qui voyageaient dans la benne ouverte des camions ont été projetées sur la route où certaines ont été écrasées. A noter que selon certaines sources, les journalistes locaux auraient été empêchés de s'approcher de la scène du drame ; certains même forcés d'effacer leurs photos. Au moins 38 jeunes filles sont mortes et des dizaines d'autres ont été grièvement blessées.

Jusque là, un simple fait divers relatant un monstrueux et sanglant carambolage dans un pays en voie de développement, où j’imagine la qualité médiocres des infrastructures routières, une population vivant en grande partie dans la pauvreté, des moyens de transports rares et des règles de sécurité quasi inexistantes.

Mais voilà, dans l’information il y a des détails qui me posent des questions : Que font des « dizaines de jeunes filles » dans des « camions-bennes » ? Qu’est ce que la « danse des roseaux » au Swaziland ? 

Mswati

Et c’est là que le bas blesse ! Lorsque l’on creuse un petit peu pour découvrir les charmes et l’exotisme de ce petit pays, enclavé en Afrique du Sud, d’un million et demi d’habitants et son « folklore », voilà ce que l’on découvre : .Le petit royaume du Swaziland marque son originalité par son monarque, Mswati III (unique dirigeant du pays depuis 1982) et sa façon d’exercer le pouvoir et d’imposer une certaine conception de la place de la femme dans la société.

Au Swaziland, il est interdit de faire la promotion de la contraception, du préservatif. Alors qu'un quart de la population est touché par le SIDA, la meilleure des protections pour les jeunes filles doit être leur « virginité », au point que le royaume leur octroie généreusement la somme de 14euros par mois pour éviter toutes relations sexuelles.

Côté « us et coutumes », une manifestation géante se déroule chaque année : la « danse des roseaux ». Comprenez plusieurs dizaines de milliers de jeunes filles vierges à peine pubères (qui varient entre 30 000 et 80 000 selon les sources) réunies pour danser, seins nus, devant le monarque. Eventuellement, ce dernier pourra en choisir une et lui faire l'honneur de devenir sa nouvelle femme. Polygame, il a actuellement 14 femmes à 48ans.  Les jeunes filles arrivent de tout le pays – et on vient de le découvrir donc via cet accident par camions-bennes - en espérant être élues et vivre le reste de leur existence comme des reines. Car si le Roi est à la tête d'une fortune de plus de 100 millions d'euros (il est considéré comme plus riche que le roi du Maroc), plus des deux tiers de la population du pays ne mangent pas à sa faim (vivent sous le seuil de pauvreté, 125ème pays selin l’Indice de développement humain). Le traitement réservé aux femmes du Roi (palais personnel, BMW, shopping de luxe...) apparait donc comme salutaire pour des jeunes filles issues de familles pauvres.

02754251-0913ef2d56e38dfb86439c345bab7e3c

Et si le Roi préfère payer des festivités à quelques 13 millions d'euros (l'équivalent de 60% du budget santé) plutôt que d'aider à financer l'éducation, son entourage assure qu'il reste populaire. Difficile d'un autre côté d'entendre la contestation, quand les partis politiques y sont interdits dans la constitution. Le transport des jeunes « danseuses » dans ces camions non sécurisés soulève également l'indignation d'autant que le gouvernement du Swaziland a récemment stoppé la distribution d'aide alimentaire d'urgence destinée aux victimes de la récente sécheresse, faute de transport « disponible » dans le pays !

Mais au royaume du Swaziland, les désirs  de Mswati III se moquent pas mal des droits des femmes et ne sont vraisemblablement pas sa priorité. Le port de la mini-jupe ou du pantalon taille basse y est d’ailleurs interdit pour prévenir du viol. En effet, les femmes sont considérées comme responsables de leur viol et les récalcitrantes aux tenues vestimentaires prohibées se voient infliger une amende de plus de 8000 euros, assortie d'une peine de 6 mois de prison. Les autorités justifient la loi car elle permettrait d’améliorer la vie des femmes : « le viol est facilité parce qu'il est facile de retirer la petite pièce de tissu portée par les femmes » expliquent-elles. Ainsi, les arguments de bas étages utilisés par les agresseurs sexuels du genre « elle l'a bien cherché en s'habillant comme ça » trouvent au Swaziland toute leur légitimité. Enfin, selon la constitution (récemment signé par le roi) les femmes n'ont toujours pas le droit de faire un emprunt bancaire ou de devenir propriétaire d'un bien immobilier. 

En 2010, Amnesty International dans un rapport intitulé Trop Tard, Trop Peu : l’échec de la réforme juridique en faveur des femmes au Swaziland, n’y était pas allé pas par quatre chemins pour dénoncer: « Depuis l’adoption de la nouvelle constitution, le gouvernement n’a pas tenu sa promesse de modifier d’autres lois pour mettre les femmes sur un pied d’égalité avec les hommes. Au Swaziland, les organisations de femmes se battent pour réformer une législation qui considère les femmes comme citoyens de seconde zone. En dépit de ses promesses répétées, il n’a pas modifié les lois en question. Par conséquent, les femmes du Swaziland ne sont pas protégées par la législation et sont victimes de discriminations autorisées par la loi (viols conjugaux, mariages forcés ou précoces…). Elles n’ont d’ailleurs pas le statut d’adulte ». L’ONG appelait alors à écrire aux autorités.

Mais a priori nous ne sommes pas prêt de convertir le roi du Swaziland à notre triptyque « liberté, égalité et fraternité » : la presse n’a pas le droit de se rendre sur les lieux pour rendre compte, la police réfute la gravité de l’accident, et l’histoire se souviendra que la fête des roseaux a malgré tout bien eu lieu pour satifaire le roi!

Amitiés Socialistes et féministes,

Laurent Beaud

 

Publicité
Commentaires
Publicité