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le Kaléidoscope....
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3 septembre 2014

Tableaux "Noirs": C'est la rentrée...

Lorsque les mots « compétitivité », « productivité », « chômage » ou « délinquance » sont sur toutes les bouches et que l’on a encore un minimum de sens progressiste, l’idée première qui nous vient, est celle selon laquelle une économie n’est « compétitive » qu’exclusivement si elle est capable d’engendrer des produits de hautes qualités, des produits à forte valeur ajoutée. Pour cela, au delà de l’évolution technique de l’appareil mécanique de production, il est incontournable d’anticiper et de coller au « qualitatif » humain lié à celle-ci, par la formation, par l’apprentissage, par l’instruction et dans son sens le plus large par l’éducation. Seule une société qui place l’école, la connaissance, au centre de son projet, saura éviter, limiter les fléaux induits intrinsèquement par l’ultralibéralisme patent, récurent et omniprésent de ce XXIème siècle.

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C’est donc parti pour une nouvelle rentrée scolaire! Entre inquiétudes et espérances !

Ça y est, nos bambins ont retrouvé les bancs studieux de la salle de classe, les jeux de la cour de récréation, et leurs enseignant-e-s. Cette année est marquée par la mise en place d’un certain nombre de réformes dont la mise en place définitive de « nouveaux » rythmes par l’éducation nationale et les « Temps d’Activités Périscolaires » (TAP) proposés et organisés par les municipalités. En effet, à l'heure où les pouvoirs publics doivent repenser profondément l'école de la République, la société française se questionne sur son fonctionnement. L'enjeu majeur se situe avant tout autour de la garantie de l'égalité des chances et de la préparation des élèves à la vie professionnelle. Alors que nul ne doit en douter, l'école de la république doit rester au cœur du projet politique français, tel qu’il l’est depuis longtemps. L'héritage est lourd ; de Condorcet à Guizot, en passant par (le très controversé) Jules Ferry, l'Instruction Publique est devenue Education Nationale.

Les vacances sont finies les vacances, et ce sont un peu plus de 12 millions d’élèves qui vont (re)trouver le système éducatif que nous leur proposons (6,8 millions dans les écoles maternelles et élémentaires, 3,3 millions dans les collèges et 2,16 millions dans les lycées). Face à eux, près 840 000 enseignants vont s’atteler à (re)transmettre la substance des programmes scolaires. François Hollande a fait l’une de ses priorités, le fait de pouvoir  assumer ce rôle dans les meilleures conditions possibles. Il a promis 60 000 créations de postes sur le quinquennat, dont 54 000 destinés à l'Éducation nationale (les autres au supérieur et à l'enseignement agricole). Cinq mille postes sont créés cette année: 2 355 postes d'enseignants dans le primaire (maternelle et élémentaire), 1 986 professeurs dans le secondaire (collèges et lycées), 159 conseillers principaux d'éducation (CPE), 350 accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), 100 emplois de personnels médico-sociaux, 50 emplois administratifs au sein des services du ministère. Mais voilà si les chiffres prouvent que la France tient à assumer pleinement son rôle, ils prouvent également une crise de confiance et d’attractivité des métiers en raison du nombre important de postes non pourvus.

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Les détracteurs décrient, clament que l’état ne doit pas, ou n’est pas en mesure, de dépenser de telles sommes ; nous ne pouvons que leur répondre « quel magnifique investissement pour la jeunesse et l’avenir ».

Sur le papier, l’éducation nationale reste un « devoir imposé » pour l’Etat, tel que le stipule l’article 13 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946 : "La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la culture et à la formation professionnelle. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'Etat ». Sur le terrain, les inégalités sont bien présentes.

Dans un article du journal Le Progrès, Muriel Florin constate sans appel que « L’école est de moins en moins une et indivisible ».  En clair, la réforme des rythmes scolaires, par son application « à la carte », amplifie la fracture éducative selon l’endroit où l’enfant (cœur du système) et ses parents vivent. « Les conditions d’enseignement varient de plus en plus d’une commune, d’un territoire à l’autre. Les dépenses des collectivités dans l’école apparaissent comme un nouveau facteur d’inégalités, même si ce n’est pas le seul. Dis-moi où tu vas à l’école, et je te dirai tes chances de faire de longues et belles études ? La réforme contestée des rythmes scolaires a permis de constater que le ministère de l’Éducation nationale pouvait difficilement décider tout seul de tout. La polémique a aussi mis en lumière les dépenses plus ou moins consenties par les communes. Plusieurs voix dénoncent le passage à une école à plusieurs vitesses, qui dépendrait des ressources territoriales et de la volonté politique des élus, toutes inégalités contraires à l’idéal républicain.

Qu’en est-il vraiment ? Une publication toute récente de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’Éducation nationale dresse les contours de la réussite scolaire à l’échelle des territoires. Dans la préface de cette Géographie de l’école 2014, l’ex-ministre Benoît Hamon confirme lui-même « des disparités parfois criantes, à l’image des difficultés des élèves en lecture qui varient parfois du simple au triple d’un département à l’autre ».(…) L’évolution du public scolaire est souvent invoquée pour donner des marges de liberté locale, pour faire du « sur-mesure », pour instituer des partenariats avec les collectivités. Le centre d’analyse stratégique préconise encore davantage de marge de manœuvre, à condition de « renforcer les dispositifs d’évaluation des établissements et d’accompagner cette évaluation d’un système réactif permettant d’épauler les équipes en cas de résultats insuffisants ». Mais en période de disette budgétaire, tant chez l’État que chez les collectivités, chacun peut être tenté de se renvoyer l’échec des élèves les plus fragiles… »

Aujourd'hui, il nous faut apprendre à aimer à nouveau cette école, à nous réconcilier avec elle, à réinventer notre système scolaire en profondeur tout en gardant en mémoire les défis à relever, tels que le soucis de l'excellence, l'ouverture au plus grand nombre et le refus de l'exclusion, en préservant « notre école publique, gratuite, laïque  et obligatoire ». De fait, il est à nous de recréer une véritable identité pour l'école de la République. Reprenons ambition et réflexion et sortons, nous aussi, nos cahiers et stylos pour la reconstruire. Bien évidemment qu'il faudra se pencher sur les méthodes d'apprentissage et de notation des élèves, sur les moyens concernant l'encadrement mis en œuvre, ainsi que sur le contenu des savoirs à enseigner, mais pas seulement. Cela commence par la compréhension des relations entre les différents acteurs de l’école.

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Pia de Quatrebarbes dans l’Humanité, tend vers une analyse similaire à celle du Kaléidoscope. « Il faut réconcilier la France et son école ! Plus de 12 millions d’élèves reprennent le chemin de l’école le 2 septembre. Ils deviennent aujourd'hui bacheliers à 80%. Mais 150 000 d'entre eux décrochent et 15% sont en difficulté alors que le niveau baisse. Le malaise est de plus en plus perceptible. Mais la plupart des réformes ont abouti à déstabiliser l'école. Que faire pour changer la situation ?

Les parents, toujours en demande face à l'institution, sont de plus en plus nombreux à s'en sentir éloignés. (…) « L’école pendant longtemps a mobilisé les familles populaires sur l’idée de réussite par l’école. Aujourd’hui, je ne parlerai pas de divorce mais la méfiance monte. Car il y a ce sentiment qu’elle n’est plus l’école de tous, de plus en plus de familles s’en sentent exclues », le constat est de Marine Roussillon, responsable du réseau école du PCF et enseignante. Aucune étude n’a pour l’instant cerné ce fossé qui se creuse.

Mais un rapport d’information parlementaire publiée le 8 juillet sur les relations entre les parents et l’école soulignait « des relations qui se tendent fortement ». Pour les classes populaires, il parlait même de « rapports abîmés ». Si l’institution s’est construite sans les parents, et même parfois contre eux, depuis 1968, elle leur accorde une place dans les établissements. La loi de refondation de 2013 va plus loin, en consacrant le terme de co-éducation. « Les parents sont un levier de la refondation », énonce la loi. En pratique, le ministre Hamon la définit régulièrement comme « donnant le dernier mot aux familles ». Mais il n’y a pas qu’un seul type de parent. « L’institution construit implicitement un parent d’élèves socialement situé, qui doit posséder certaines compétences et qualités. Dans les quartiers populaires, quand des parents ne possèdent pas ces qualités attendues, ils se retrouvent en porte à faux », explique Pierre Périer, sociologue, professeur en sciences de l’éducation à l’université Rennes-II.

Le rapport des parents à l’école est, lui, « à l’image de ce que l’on retrouve dans la classe, marqué par de fortes inégalités. Une partie des parents connaissent bien le système, ont accès à l’information pertinente et le sens du placement scolaire. Et développe ainsi des rapports dans le sens de leurs intérêts et en conformité avec ce que reconnaît l’institution. De l’autre côté, il y a une fraction de parents dans une grande hétérogénéité, qui sont dans une attente forte face à l’école, mais qui, assez vite, vont se retrouver dans la difficulté parce que leurs enfants le sont. Trop souvent, la question des relations avec les parents se pose quand émerge la difficulté de l’enfant.(…) Car, au cœur de l’école, il y a toujours la reproduction des inégalités sociales. L’échec ou la réussite ne relève pas du hasard, ni de seuls « dons » ou « talents » individuels… Au collège, deux tiers des enfants d’ouvriers sont en retard, contre 10 % pour ceux des cadres supérieurs. Un fils de famille aisée a vingt-sept fois plus de chances d’accéder à une grande école qu’un fils d’ouvrier.

Quant aux 150000 élèves qui sortent du système sans qualification, 48 % ont un père ouvrier, contre 5 % un père cadre. « Ce qui crée la spécificité de la crise de l’école actuelle, c’est le maintien et le renforcement de ces logiques de reproduction sociales par l’école et la force des inégalités récurrentes. (…)

Les batailles progressistes et les besoins du capitalisme ont conduit à l’allongement des études pour les enfants de milieux populaires. Il y a eu massification mais sans réelle démocratisation: de l’accès à la scolarité, la « sélection » s’est reportée sur l’appropriation et la maîtrise des savoirs, dans une société où ces savoirs jouent un rôle de plus en plus important. (…)Les discours à bon compte sur les familles démissionnaires ou les mauvais profs occultent, eux, cette contradiction et désignent des « coupables », individuellement ou par corps de métier, des inégalités scolaires. « Le système évalue beaucoup les élèves, les enseignants, mais on n’évalue assez peu le système lui-même. » Comment alors trouver des pistes pour réconcilier la France et son école? La question est politique et pédagogique. « Il faut d’abord affirmer un objectif politique: construire une école pour tous. Ça passe par les contenus: une école qui ait les mêmes ambitions pour tout le monde », revendique Marine Roussillon. »

Hannah Arendt a alors raison lorsqu’elle déclare dans La crise de la culture qu’« il faudrait bien comprende que le rôle de l'école est d'apprendre aux enfants ce qu'est le monde, et non pas leur inculquer l'art de vivre. ». Elle étaye sa démonstration sous l’angle sociologique : « La véritable difficulté de l'éducation moderne tient au fait que, malgré tout le bavardage à la mode sur un nouveau conservatisme, il est aujourd'hui extrêmement difficile de s'en tenir à ce minimum de conservation et à cette attitude conservatrice sans laquelle l'éducation est tout simplement impossible. Il y a à cela de bonnes raisons. La crise de l'autorité dans l'éducation est étroitement liée à la crise de la tradition, c'est-à-dire à la crise de notre attitude envers tout ce qui touche au passé. Pour l'éducateur cet aspect de la crise est particulièrement difficile à porter, car il lui appartient de faire le lien entre l'ancien et le nouveau : sa profession exige de lui un immense respect du passé. (…) Avec l'arrière-plan intact de cette tradition où l'éducation jouait un rôle politique (et ce fut un cas unique), il est en fait relativement facile de faire ce qu'il faut en matière d'éducation, sans prendre la peine de réfléchir à ce que l'on est en train de faire : l'éthique particulière des principes d'éducation est en parfait accord avec les principes éthiques et moraux de la société en général.  Éduquer, selon les termes de Polybe, c'était simplement «vous faire voir que vous êtes tout à fait digne de vos ancêtres» et, dans cette tâche, l'éducateur pouvait être un «partenaire dans la discussion» et un «partenaire dans le travail», car lui aussi, bien qu'à un niveau différent, passait sa vie les yeux fixés  vers  le passé.  Camaraderie  et  autorité n'étaient dans ce cas que les deux faces d'une même chose et l'autorité de l'éducateur était fermement fondée dans l'autorité plus vaste du passé en tant que tel.(…) L'éducation est le point où se décide si nous aimons assez le monde pour en assumer la responsabilité et, de plus, le sauver de cette ruine qui serait inévitable sans ce renouvellement et sans cette arrivée de jeunes et de nouveaux venus. C'est également avec l'éducation que nous décidons si nous aimons assez nos enfants pour ne pas les rejeter de notre monde, ni les abandonner à eux-mêmes, ni leur enlever leur chance d'entreprendre quelque chose de neuf, quelque chose que nous n'avions pas prévu, mais les préparer d'avance à la tâche de renouveler un monde commun. »

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Dans le sens moral, l’éducation n’est elle pas la formation de l’esprit en vue de lui faire acquérir la maitrise de soi, l’autonomie, le sens des valeurs, du devoir et de l’idéal humain, de l’adapter harmonieusement au milieu social (famille, école, société) et à ses changements (éducation civique, politique), c’est à dire d’aider à sa socialisation.

Au-delà des questions traditionnelles sur le sujet, notre école au XXIème siècle se doit de faire retrouver le goût d'apprendre, de développer une culture générale mais aussi de faire retrouver une certaine cohésion sociale. Refusons l'élitisme à outrance, la compétition à tout va et favorisons le travail collectif, l'apprentissage de la sociabilité et le développement de la confiance en soi. Les leçons apprises aujourd'hui par nos enfants seront les règles de la société de demain. L'école de la République doit être Liberté, Egalité mais aussi Fraternité. Pour cela rapprochons nous de Jan Amos Komensky, dit « Comenius » qui affirmait « il faut arriver à créer chez les élèves un amour harmonieux des études si nous voulons éviter que leur indifférence ne se transforme en hostilité et leur hostilité en apathie ». 

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« Qui ouvre une école, ferme une prison ! » déclamait Victor Hugo. En réponse à toutes celles et ceux qui brandissent l’austérité budgétaire et/ou les chiffres la délinquance comme leitmotivs d’une politique nationale à mener, une chose est sure, ce n’est que par la connaissance et l’éducation, que nous permettrons l’émergence d’une jeunesse en phase avec le monde du travail et les enjeux économiques contemporains, que nous permettons la pérennisation d’une société « apaisée » et moins délictueuse, que nous irons vers une France où les inégalités en tout genre seront estompées, seront réduites. 

Investissons ! Vive l’école !

Laurent Beaud

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