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le Kaléidoscope....
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5 janvier 2013

Fiscalité : une autre façon de voir les choses.

Depuis longtemps, les français trainent derrière eux la réputation d’être arrogants et râleurs. En pleine crise économique, les réformes en cours concernant le système fiscal de notre pays ne permettront pas, à mon avis, de remettre en cause les clichés que les autres ont de nous à travers le monde, et bien au contraire. 

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Lors de la campagne présidentielle française de 2012, l’une des promesses les plus symboliques, voire la plus emblématique, fut celle de François Hollande de créer une nouvelle tranche d’imposition à 75% pour la part des revenus dépassant 1 million d’euros par an, mesure qui ne figurait même pas, rappelons-le,  initialement dans les « 60 engagements ». Certes, il aurait fallu être aveugle le 27 février 2012, jour de cette annonce « surprise » sur un plateau télé, pour ne pas avoir vu qu’il s’agissait avant tout d’un véritable coup politique, qui allait définitivement  mettre KO ses adversaires ; Nicolas Sarkozy et l’UMP dénonça cette annonce comme étant « une confiscation », voire une incitation à l’expatriation ; Quant à Jean Luc Mélenchon et l’extrême Gauche en plein essor dans les sondages, ils ne purent qu’applaudir voyant l’herbe leur être coupée sous les pieds.

Plus sérieusement, passons cet épisode électoral et causons de la proposition fiscale en elle-même. Il ne s’agit pas de stigmatiser les plus riches, encore moins de les transformer en boucs émissaires, ni même de taxer une certaine catégorie de contribuables à 75% mais d’imposer à ce taux les revenus supérieurs à 1 million d’euros. En effet, l’objectif est de ne pas voir exploser l’écart entre les plus riches et les plus pauvres. Il ne s’agit ainsi pas d’être envieux, jaloux ni même de ne pas comprendre que de taxer les riches ne fera pas diminuer le nombre de pauvres mais c’est une question essentielle de cohésion nationale. Bien plus que la volonté de remplir les caisses de l’Etat, c’est un symbole qui a un vrai impact sur les inégalités.

Dans un entretien du JDD avec Guillaume Duval d’Alternatives Economiques sur l’efficacité d’un taux d’imposition de 75% pour les revenus supérieurs à 1 million d’euros par an (soit des revenus d’environ 85000 euros par mois), répondait «  L’objectif, c’est d’orienter les comportements des acteurs pour décourager ceux qui cherchent à gagner plus de 1 million d’euros par an. Ça ne rapportera probablement jamais rien mais l’important c’est que ça signale un niveau de revenu au-delà duquel la société considère qu’il est illégitime de gagner plus ».

Alors un taux à 75% est il si révolutionnaire que cela ?

En France après la première guerre mondiale pour équilibrer les comptes de la nation : le taux d’imposition est passé de 2% en 1914 à 90% en 1924. En 1967, le général de Gaulle avait fait passer la tranche marginale de 70 à 80%, nous n’avons vu personne l’accuser d’ « affreux marxiste ». La problématique fut déjà étudiée en  2011 par François Baroin, ministre du budget du précédent gouvernement, avec une éventuelle réforme de la fiscalité: « La question est de savoir à partir de quel niveau on ne taxe plus seulement du salaire mais de la constitution de patrimoine. C’est 250.000 euros en Allemagne », et cela ne fut pas alors (ou encore) perçut comme une atteinte à la dignité des plus aisés.

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Aux Etats Unis, suite à la crise de 1929, Franklin Roosevelt avait, dans une de ces premières mesures créer un taux marginal d’impôt de 80% et  celui-ci fut porté ensuite à 90% pendant la seconde guerre mondiale et resta ensuite à ce niveau-là jusqu’à l’arrivée de Reagan au pouvoir. Alors oui, tout cela n’est pas si révolutionnaire qu’à prime abord. Car les choix du passé n’ont pas du tout freiné l’activité économique et la période qui suivit plus connue aujourd’hui sous le nom des « Trente glorieuses »  fut celle d’une grande croissance économique durant laquelle le système capitaliste a le mieux marché.

Comme nous venons de le voir, la réforme  telle qu’elle nous est proposée aujourd’hui n’est donc pas si extravagante qu’elle peut y paraître. En effet, à Gauche comme à Droite, il semble inéluctable que la politique de l’Etat doive aller dans le sens d’une réduction de la dette et d’une relance de l’économie et de l’emploi, et pour que ce fasse, un certain nombre de choix sont nécessaires en matière de fiscalité. La difficulté d’acceptation du réformisme vient alors de l’évolution des mentalités et de l’approche de plus en plus conservatrice que les individus ont de l’imposition dans nos sociétés contemporaines. Dans les années 80, la France a tellement succombé à une frénésie libérale qu’elle en a distordu le ressort puissant que ses citoyens attachaient à l’égalité et à la cohésion sociale. Auparavant, à part Alain Madelin ou Jean-Marie Le Pen, personne n’aurait qualifié de « confiscatoire » une augmentation des taux marginaux d’imposition. 

Comme une forme de bizarrerie, dans une décision datée du 29 décembre 2012, le conseil constitutionnel  a censuré ce qu’il estime être une méconnaissance du principe d’égalité en considérant que la mesure était « assise sur les revenus de chaque personne physique » alors que l’impôt sur le revenu est prélevé « par foyer ». Sur la forme, cette intervention ne fait que démontrer que nos institutions méritent un véritable dépoussiérage. L’intervention de la plus archaïque des institutions (et il suffit de voir sa composition et le mode de nomination de ses membres pour s’en convaincre) à la demande de députés de l’opposition qui n’ont pas accepté, et cela en tout état de cause, les choix de la représentation nationale est inadmissible et franchement pitoyable : Vivement une 6ème République !

Sur le fond, l’annulation de dispositions jugées comme n’ayant pas leur place en loi de finances jette un véritable malaise alors même que le Congrès américain, deux jours plus tard, s’accordait pour adopter une loi et éviter la cure d’austérité du «mur budgétaire » (« fiscal cliff »). Rappelons alors, que lorsque le conseil constitutionnel retoquait cette taxation (en regrettant nostalgiquement le bouclier fiscal de l’époque Sarkozy) les représentants des Chambres du pays considéré comme le plus capitaliste au monde quant à eux décidaient de « changer un code des impôts qui était trop favorable aux riches aux dépens de la classe moyenne » (ou en d’autres termes accepter l’expiration pour les plus riches, des cadeaux fiscaux hérités de l’ère George W. bush) afin d’éviter des coupes claires dans les dépenses de l’Etat fédéral. Sommes nous ou voulons nous être plus « libéraux » que les « libéraux » ? 

Gérard, Bernard, Alain….et les autres !

Mais alors que les discutions s’articulaient autour de ce projet de loi, il semble que les candidats français à l’exil fiscal commencent à se bousculer aux portes des agences immobilières internationales et des cabinets d’avocats spécialisés. L’acteur Gérard Depardieu, le patron de LVMH Bernard Arnault ou encore le lunettier Alain Afflelou ont décidé de quitter la France pour des raisons purement misanthropes. Je vous le dis Messieurs, une grande partie de l’estime que les françaises et les français vous ont octroyé, qui a fait de vous ce que vous êtes aujourd’hui (ainsi que votre enrichissement  personnel) s’envolera avec vous et vos bagages. Nul en France ne croit que le talent ou la réussite doit être sanctionné, nul ne doit considérer que l’imposition est une punition. A mon sens, dans n’importe quel domaine, la reconnaissance donnée doit être rendue sans contrepartie et l’exemplarité doit s ‘appliquée, d’autant plus dans l’effort collectif. Il ne faut pas renier ses origines et ses valeurs pour des raisons fiscales. Il est vrai qu’il n’est pas illégal d’agir ainsi et que plusieurs phénomènes récents facilitent l’expatriation fiscale (création de l’espace Schengen, amélioration des transports, intégration des systèmes bancaires et informatiques). Ceci dit, je pense qu’il vaut mieux être fier de son investissement dans la société plutôt que de s’échapper sous d’autres cieux pour préserver son patrimoine.

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Parmi les plus aisés, d’autres ont eu des comportements bien différents. Ainsi le milliardaire américain Warren Buffett a appelé les parlementaires de son pays à augmenter les impôts des plus riches. Il désire pouvoir participer plus amplement au redressement et « veut sa part de sacrifice pour aider l’Amérique à réduire son déficit budgétaire ». Selon lui, cela ne nuira ni à l’emploi, ni à l’investissement, tout en contribuant à assainir les finances de son pays. Ce dernier affirme avoir honte de voir son taux d’imposition à hauteur de 17% alors que celui de ses collaborateurs les plus proches avoisinait 35 à 40%. « Pendant que les pauvres et les classes moyennes combattent pour nous en Afghanistan, et pendant que de nombreux Américains luttent pour joindre les deux bouts, nous, les mégariches, continuons à bénéficier d’exemptions fiscales extraordinaires » déplorait t’il. Comme les milliardaires américains, quelques grandes fortunes françaises demandent à payer plus d’impôts sous la forme de l’instauration d’une contribution fiscale exceptionnelle. Maurice Lévy et Pierre Bergé, pour ne citer qu’eux, vont dans le sens de cette contribution en raison du contexte actuel. Il est à noter que 14 français figurent au dernier classement Forbes des plus grosses fortunes mondiales et rien n’est bien sur quant à leur souhait à tous de participation. 

Et Pendant ce temps là, comment se comportent les plus modestes ?

En  réalité, dans le domaine de la fiscalité comme dans bien d’autres, la problématique vient de la perception de la place que chaque individu a de lui-même et d’autrui dans la société dans laquelle il vit. Il faudrait avoir presque une approche sociologique pour comprendre les tenants et les aboutissants de la position de chacun. La difficulté aujourd’hui réside dans la façon dont la société française a évolué lors des 5 années de Sarkozysme qui viennent de s’écouler. Durant cette période, les réformes et les discours ont monté les françaises et les français les uns contre les autres, ont détricoté les liens de solidarité, d’égalité ou de fraternité tissés entre eux avec comme unique leitmotiv de l’ « argent roi » et l’abus du péché de  « Jalousie ».  Le précédent gouvernement s’était fait une spécialité de la dénonciation des « profiteurs » du système social,  des « assistés » et des autres « fraudeurs » qui vivraient aux crochets des autres.

Quelle honte d’avoir laissé croire aux uns qui n’avaient pas de soucis particuliers au quotidien que les autres en situation de misère, de chômage ou de mal logement étaient des « parasites » et que l’impôt était injuste car étant  une ponction du portefeuille des premiers pour permettre aux seconds d’en profiter. Désormais, il y a un véritable travail de rééducation à effectuer pour que l’ensemble des françaises et des français puissent comprendre à nouveau que l’impôt est la matérialisation d’un effort de solidarité et bien plus encore.  Il ne s’agit pas de nier que la fraude existe, d’ailleurs n’existe-t-elle pas dans tous les domaines ? Il est important de concevoir qu’il ne doit pas avoir sentiment de jalousie vis-à-vis de la précarité tout comme vis-à-vis de l’aisance et de l’opulence. Non, la « Jalousie » doit se transformer en « fierté » et  la contribution fiscale de  chacun doit être reconsidérée comme un bénéfice pour tous.

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« Il y a dans notre pays non pas des excès de fraude mais des excès de non recours à des droits qui existent et auxquels nos concitoyens ne font pas appel » a récemment reconnu la ministre des affaires sociales, Marisol Touraine lors de la conférence de lutte contre la pauvreté et les exclusions qui s’est tenu les 10 et 11 décembre 2012 à Paris. L’ampleur du phénomène du « non recours aux aides sociales » est analysée dans le livre L’envers de la fraude sociale écrit par l’observatoire des non-recours aux droits et services (Odenore), rattaché au laboratoire du CNRS PACTE. Dans cet ouvrage, et au risque d’en surprendre plus d’un, est mis à jour le fait que des milliards d’euros de prestations sociales (redistribution du fruit de l’imposition) ne sont jamais réclamés et cela pour  de multiples raisons dont les sentiments de honte et de culpabilité, un défaut d’informations ou des complexités administratives. Bien évidement, il est de notre responsabilité de permettre une mise à jour de notre système social et cela va de paire avec un réajustement de notre fiscalité car Oui, la « honte » doit s’effacer au profit d’une justice sociale à réintroduire pour que la France redevienne « Normale ».

Meilleurs vœux pour cette année 2013.

Laurent Beaud

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